En réalité, la vidéo à laquelle la propagande russe fait référence ne contient aucune image montrant la présence de civils. Elle montre plutôt un groupe de personnes habillées en tenue militaire. De plus, on peut remarquer qu’avant même le début des tirs, ce groupe de personnes, voyant le véhicule blindé de transport de troupes ukrainien, a immédiatement tenté de s’enfuir.
Le 9 juillet, on a appris que le combattant d’Azov Kostyantyn « Fox » Nikitenko et son collègue Mykola Kush, ayant pour surnom « Frost », avaient été condamnés à mort dans la soit-disant « République démocratique de Donetsk». Les médias russes et les chaînes Telegram des groupes pro-russes ont rapporté que Kostyantyn Nikitenko aurait «tiré sur la population civile de Marioupol» alors qu’il effectuait une mission de combat au poste de tir d’un véhicule de transport de troupe blindé de type BTR-4E. «Le tribunal les a reconnus tous les deux coupables de crimes de guerre: l’exécution de prisonniers russes et de civils du Donbass», indique la publication russe Life.news.
«Le procès des criminels de guerre s’est déroulé rapidement. Les preuves vidéo de leurs atrocités ont tout dit ». C’est ainsi que la publication russe Vremya Moscvy décrit le procès des militaires ukrainiens. Les médias russes (Moscovskiy Komsomolets, News.ru, Krasnaya Vesna et autres) lorsqu’ils couvrent cette nouvelle se réfèrent principalement à la publication sur la chaîne Telegram du propagandiste pro-Kremlin Dmitry Steshin, correspondant de Komsomolskaya Pravda. Dans son article, il affirme que Kostyantyn Nikitenko «a fait le tour de Marioupol à bord d’un véhicule blindé de transport de troupes et a tiré sur des gens pour rigoler, pour le plaisir».
A l’appui de ses accusations, la propagande russe présente une vidéo qui montrerait des tirs sur des civils d’un BTR-4 ukrainien, alors contrôlé par Kostyantyn Nikitenko.
Dans les images filmées depuis le cockpit du véhicule blindé, on peut voir un groupe de personnes entrer dans le champ de vision du véhicule de combat. Au début, le tireur est confus et ne sait pas s’il fait face à des soldats ukrainiens ou russes. Convaincu qu’il s’agit d’envahisseurs russes, il ouvre le feu. La vidéo ne montre aucune trace de la présence de civils dans le cadre. À en juger par l’arrêt sur image, on peut confirmer que le groupe de personnes dans la vidéo est habillé en tenue militaire.
Le dialogue des membres d’équipage du BTR-4 ne contient également aucune mention du fait qu’il pourrait y avoir des civils au sein du groupe. Au début de la vidéo, on entend la question «Est-ce que ce sont nos gens?», suivie d’une réponse obscène et d’un ordre d’ouvrir le feu, ce qui indique que des militaires russes ou des personnes vêtues d’uniformes russes sont apparus devant le véhicule. On peut également noter qu’avant même le début des tirs, le groupe de personnes a immédiatement tenté de s’enfuir.
La vidéo a été publiée pour la première fois par Yuriy Mysyagin (député de parlement Ukrainien du parti « Serviteur du peuple », député du Comité de Verkhovna Rada sur la sécurité nationale, la défense et le renseignement) sur sa chaîne Telegram le 24 avril à 14h39. Plus tard dans la même journée, les images ont été reprises sur d’autres chaînes Telegram et comptes de réseaux sociaux. Le portail militaire ukrainien «Militarnyi» a également publié le 24 avril sur son site Internet cette vidéo, expliquant que le BTR-4 ukrainien avait liquidé un groupe d’envahisseurs russes.
La vidéo elle-même a probablement été tournée bien avant sa première apparition en ligne. Par exemple, l’absence de feuilles sur les arbres est inhabituelle pour la fin avril à Marioupol. De plus, la ville elle-même à cette époque était déjà presque entièrement sous le contrôle des occupants russes. StopFake a réussi à trouver d’autres vidéos filmées dans le cockpit du BTR-4, que le régiment Azov a publiées sur sa chaîne Telegram dès le 14 mars. Kostyantyn Nikitenko lui-même a déclaré dans l‘une des interviews du régiment Azov que l’attaque russe contre leurs positions à Marioupol avait commencé le 8 mars.
Les premières affirmations évoquant une fusillade de civils à Marioupol, depuis ce véhicule blindé, sont apparues en ligne le 9 juillet. C’est ce jour-là que les sources d’information pro-Kremlin ont annoncé qu’un tribunal de la sois-disant «République populaire de Donetsk» avait condamné à mort les militaires ukrainiens.