Une «Représentation officielle en France de la République Populaire de Donetsk» a été ouverte en France, à Marseille, sous couvert d’une association. Du point de vue juridique, il sera difficile d’obtenir la cessation de ses activités.
«Le plus gros problème de la Russie, bolchevique comme celle de Poutine, c’est son rapport avec la vérité», aime répéter un ami de longue date qui ne se souvient plus qui est l’auteur de cette citation pertinente. L’assymétrie de la propagande, la logique de la guerre hybride et la stratègie des attaques de pirates informatiques lors des élections américaines et françaises ont un point commun: c’est le déni de la réalité et le rejet de toute déontologie. Le public occidental ne fait que s’étonner, en suivant ces feuilletons, en voyant combien les combats sans règles assurent toujours un avantage à ceux qui frappent en premier.
En ce moment, la France est devenue le cinquième état européen qui n’a pas réussi stopper sur sa propre terre une technologie manipulatrice du Kremlin. La soi-disant République de Donetsk a donc ouvert une «Représentation officielle» à Marseille qui a le statut juridique d’une association loi 1901.
Précédemment, des structures similaires ont été créé en Tchéquie, en Finlande, en Italie et en Grèce. Naturellement, les citoyens responsables et attachés à la démocratie dans ces pays ont exprimé leur indignation. La Cour constitutionnelle tchèque est allée plus loin et a annulé le document d’entregistrement du «Centre de représentation». Les soutiens des séparatistes ont fait appel et se sont ensablé dans la procédure.
Les autres «centres représentatifs» existent de facto, non seulement sans reconnaissance diplomatique, mais également sans aucun pouvoirs politiques. Bien que la Russie soit intéressée par ces déstabilisations à l’étranger, elle ne veut pas afficher son rôle comme inspirateur de leur création. Le rapprort avec la vérité n’a pas changé durant les 100 dernières années. A ce propos, Hubert Fayard, le «représentant honoraire de la République Populaire de Donetsk» a attendu en vain pour l’ouverture du «centre» l’arrivée du consul de Russie. D’après les témoins, le buffet promis a été annulé à la dernière minute. «Pas d’argent!» a expliqué aux invités le «représentant» de la République autoproclamée.
L’expérience des prédécesseurs n’a pas servi aux Français comme leçon pour ne pas se faire avoir brutalement. Et pourtant, le Kremlin ne s’embête pas pour inventer de nouveaux scénarios. Pourquoi faire, quand tout fonctionnent tout seul? Moscou, bolchevique ou poutinienne, sait bien utiliser les acquis de la civilisation occidentale au détriment des Européens. «Nous ne pouvons pas vérifier les associations pour leurs faisabilité politique avant enregistrement, explique un fonctionnaire de la préfecture de Paris. Nous pouvons seulement réagir aux activités illégales. Nous pouvons vérifier, punir pour la violation de la loi, mettre une amende… Mais nous n’avons pas le droit d’agir par anticipation».
L’hôtel Novotel à Marseille, où avait lieu la présentation du «Centre de représentation» des séparatistes de Donetsk, n’a pas voulu annuler l’événement, malgré de nombreuses lettres et appels téléphoniques de partisans de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. «Nous avons la liberté d’activité commerciale et nous avons reçu un prépaiement», ont justifié les managers de l’hôtel.
A quel point il convient de rester charitable avec un criminel lorsqu’on est face à une menace terroriste ? La question n’est pas vraiment rhétorique. «Est-ce que DAESH, lui aussi pourrait créer son «centre», tout simplement en enregistrant une association?» demandent les Ukrainiens de France. En fait, pourquoi pas? Un précédent a déjà eu lieu… Les hommes politiques locaux, Alexandre Schilling et Philippe Franceschetti, tous deux adjoints au Maire d’arrondissements à Marseille et tous deux des Republicains, n’ont pas hésité pour venir à l’inauguration. « On est passé en voisins », ont-il expliqué au journaliste du Monde. C’est rien, quoi…
Pour ouvrir ce «centre», Hubert Fayard, le soi-disant «représentant officiel» d’une «Republique de Donetsk» autoproclamée, qui fut dans le passé un militant du Front national, un politicien provincial peu connu et le copropriétaire d’un site de rencontres avec des filles russes, n’a pas dû réinventer le vélo. Le schéma fonctionne. Les magiciens de Moscou trouvent facilement de nouveaux idiots utiles, pour amuser le public avec de nouvelles mystifications. Même si le Kremlin travaille grossièrement, la manipulation est captée seulement par une partie de la société : bien informée, éduquée et politiquement compétente. Les autres ne se focalisent pas sur les détails. «L’Etat a enregistré cette association, pourquoi le ministère des Affaires étrangères affirme-t-il que le «centre» n’est pas reconnu?», s’étonne Julie, une étudiante d’un collège à Paris.
Bien sur, le ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine a envoyé des notes de protestation à toutes les instances, y compris, au ministère des Affaires étrangères français et au Ministère de l’intérieur. Bien sûr, Paris a proclamé par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, que la République Française n’a cure de ce «Centre» autoproclamé et a annoncé qu’il s’est addressé au Procureur de la République pour demander une enquête.
Faut-il espérer que la justice français privera les «représentants de la DNR» du droit à l’existence? «La question est ambigue», dit Igor Rechetnyak, un militant de l’association franco-ukrainienne Ukraine Action, contre laquelle Hubert Fayard a menacé, sur les réseaux sociaux, de porter plainte. Si le procès a lieu dans la province des Bouche-du-Rhone, où l’association a été enrégistré, il y a des doutes sur le fait que cet enregistrement pourrait être annulé. Pourquoi? Parce que même le préfet a répondu par écrit à leur invitation. Cependant, la structure pourrait s’effondrer d’elle-même. Pour le moment, il n’y en a pas de raison d’affirmer que le financement vient de la Russie. Vers la fin de l’inauguration Fayard a demandé directement le soutien de la part de la Russie. Son adjoint Jacques Clostermann, probablement le cerveau du projet, a déclaré lors de son interview pour RT qu’il compte aussi sur le soutien de la Russie et d’une nouvelle association pro-Kremlin intitulée Alliance Franco-russe… Ce n’est pas impossible que, pour le moment, ce soit donc une sorte de la promotion spéciale pour attirer l’attention et aussi l’argent de la Russie».
Tout compte fait, le «centre représentatif» de la République auto-proclamée de Donetsk a l’air pas trop présentable. Il ne se trouve pas à Paris, mais à Marseille, pas loin de l’habitat de son « représentant» au passé politique douteux et à l’avenir flou. «Ce n’est qu’une cirque», ironisent les journalistes et les politologues français. Peut-être. Mais pendant que le procureur de la République verifie la conformité des objectifs statutaires de la structure avec le droit français, celle-ci diffuse la désinformation et utilise les réseaux sociaux pour désiorienter ceux qui ne sont pas trop informés sur de la situation dans l’est de l’Europe. Par défaut, le bénéficiaire ultime de l’activité de ce cirque provincial, est donc le Kremlin bien qu’il cherche à cacher ses longues oreilles.
Le Président Macron a déjà dit à plusieurs reprises que les mécanismes juridiques qui régulent la vie de la République française sont dépassés par ces nouvelles pratiques. L’exemple de ce «centre représentatif» de DNR est une parfaite illustration de la nécessité d’une réforme, compte tenu du contexte de guerre hybride. La guerre de l’information en cours ne concerne pas seulement l’Ukraine, comme a pu le constater le Président Macron lors de sa campagne électorale. L’ennemi, deguisé en bouffon, ne devient pas un ami. La tendresse vis-à-vis de lui n’emmene qu’a sa propre perte. Même s’il s’agit d’une diplomatie falsifiée, de clowns qui se veulent des dirigeants et de régimes fantoches, la question reste l’ampleur des dommages causés. Il est possible d’apprendre à éviter ces pertes, si on accepte de construire un autre rapport à la vérité.
Par Alla Lazareva
Source: Tyzhden.ua