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Après l’Assemblée nationale, c’est le Sénat qui va se pencher à son tour sur une résolution demandant la fin des sanctions contre la Russie. Le vote est prévu le 8 juin. Cela ressemble à une campagne concertée, de la part de quelques élus, qui semblent très sensibles aux sirènes de Moscou.
Le 8 juin prochain, le Sénat devrait se pencher sur une proposition de résolution qui demande l’allégement des sanctions de l’Union européenne contre la Russie. Cette résolution a été mise sur la table par deux élus de la haute assemblée, Yves Pozzo di Borgo (UDI) et Simon Sutour (PS).
Cette fois, le texte est plus subtil que celui de la résolution votée le 28 avril dernier à l’Assemblée nationale. Il ne recommande pas la levée immédiate des sanctions, comme l’avait fait le texte proposé par le député Thierry Mariani. Mais il « appelle de ses vœux un allégement progressif et partiel du régime des sanctions de l’UE à l’encontre de la Russie ».
On le voit, c’est plus enveloppé. Car on est au Sénat, une chambre où il est de bon ton de s’exprimer avec plus de rondeur. Cependant, cela n’y change rien. Il s’agit bien de dessiner un chemin qui va permettre de démanteler progressivement les sanctions, de façon unilatérale.
La résolution, en effet, demande simplement à la Russie, en guise de contrepartie, des « progrès significatifs et ciblés dans la mise en œuvre des accords de Minsk ». Mais elle ne précise pas davantage… Elle laisse donc la place, par la suite, à une bataille d’interprétation. Et cela permet surtout d’envoyer tout de suite un signal politique à la Russie et aux autres gouvernements européens. Car la seule chose qu’on retiendra, le 8 juin, si la résolution est votée, c’est que le Sénat se prononce pour une fin des sanctions.
Cette résolution surgit aujourd’hui car l’Union européenne doit dire, fin juin, si elle maintient ces sanctions. La décision sera entre les mains des chefs d’État et de gouvernements réunis en Conseil les 28 et 29 juin prochains. Ces sanctions doivent être prolongées tous les six mois. Les gouvernements européens sont tous officiellement sur la même ligne : pas de levée des sanctions aujourd’hui puisque la situation sur le terrain n’a pas changé. Mais en coulisse, quelques gouvernements donnent tout de même des signes de fléchissement. C’est le cas de l’Italie, l’Autriche, la Hongrie, la Grèce…
En marge du G7, à Tokyo, Angela Merkel a affirmé qu’il est «trop tôt» pour envisager une levée des sanctions. La haute-représentante de l’UE pour la politique étrangère Frederica Mogherini a dit également s’attendre à ce que les sanctions soient reconduites en juin. Mais le ministre allemand des affaires étrangères, Frank Walter Steinmeier, a dit un peu plus tard toujours espérer des progrès dans l’application de l’accord de Minsk qui permettrait d’envisager «une levée graduelle».
Et en France, un groupe d’élus s’active, de façon déterminée, pour tenter de peser sur la ligne du gouvernement. L’offensive est concertée puisque le vote du Sénat arrive après celui de l’Assemblée nationale. À l’assemblée, le chef de file de ce groupe est Thierry Mariani (LR), par ailleurs coprésident du Dialogue franco-russe, une organisation qui réunit hommes d’affaires et politiques pour promouvoir les échanges avec la Russie poutinienne. Au Sénat, l’une des figures les plus en vue de ce groupe est le sénateur UDI de Paris Yves Pozzo di Borgo, qui fit partie du voyage en Crimée de juillet 2015.
À cette occasion, il s’était illustré en achetant, à Yalta, un tee-shirt vendu sur place qui montrait le président américain Barack Obama sous un jour peu flatteur, traité de « minable » (tchmo en russe). Yves Pozzo di Borgo avait posé, tout sourire, pour la télévision russe en arborant ce tee-shirt.
Au Sénat, il trouve le soutien de quelques élus qui cultivent leurs relations avec l’ambassade de Russie. Mais curieusement, le cosignataire de la proposition, Simon Sutour, ne fait pas partie de cette coterie. Élu socialiste du Gard, il est vice-président de la commission des affaires européennes, mais ne s’est jamais signalé par des prises de position pro-Poutine.Et il est difficile de comprendre pourquoi un élu de la majorité se prête à cette manoeuvre.
Comme le texte jumeau qui a été présenté à l’assemblée nationale, la résolution du Sénat fait le constat que la situation est aujourd’hui bloquée dans le Donbass ukrainien. Il constate aussi que l’embargo russe est préjudiciable pour nos exportations agricoles, sans donner de chiffres. Mais la grande faiblesse de ce texte est qu’il rend les sanctions responsables de la tension avec la Russie. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc: « Les sanctions ont altéré les relations de l’UE avec la Russie ».
Or il faut rappeler que ce ne sont pas les sanctions qui ont créé cette crise, mais l’annexion de la Crimée par la Russie, puis son soutien militaire aux séparatistes du Donbass. Les sanction ont été utiles jusqu’à ce jour. Elles ont permis de freiner l’action russe dans le Donbass ce qui a fait baisser l’intensité des combats. Mais elles n’ont pas encore permis de contraindre la Russie a fermer la frontière avec le Donbass et cesser son soutien massif aux séparatistes.
En tout cas, lever les sanctions maintenant donnerait à la Russie le sentiment que l’Union Européenne se range à ses arguments. Qu’elle accepte finalement sa politique, qui consiste à considérer l’Ukraine comme son arrière-cour. Ce serait donner un feu vert à Vladimir Poutine et prendre le risque de relancer la guerre.
Il faut aussi rappeler, même si on est navré de devoir le faire, que les sanctions ont été renforcées lorsqu’un avion civil de la Malaysia Airlines a été abattu, le 17 juillet 2014, au-dessus du Donbass faisant 298 morts civils. Beaucoup étaient des médecins qui se rendaient à un congrès sur le sida.
Or à ce jour, l’enquête a établi que l’avion avait été abattu par un missile fabriqué en Russie. De nombreux éléments démontrent aussi que ce missile à été tiré depuis une zone tenue par les séparatistes. Mais il reste à savoir qui a tiré. Et les autorités russes font tout pour gêner l’avancée de l’enquête. Lever les sanctions reviendrait donc à organiser l’impunité pour les assassins des passagers du MH17.
Il est donc très difficile, dans ce contexte, de soutenir aujourd’hui, comme tente de la faire Yves Pozzo di Borgo, que le moment est venu d’alléger les sanctions. Il reste à espérer que le reste des sénateurs saura le comprendre, le 8 juin prochain.
Par: Renaud Rebardy, journaliste
Source: COMITE UKRAINE Libération
Photo: LifeNews. Le Sénateur Yves Pozzo di Borgo, lors de son voyage en Crimée, en juillet 2015, s’était affiché tout sourire avec un tee-shirt proclamant que le président Obama est un « minable » (tchmo en russe).