La photo des combattants du régiment Azov portant prétendument un « drapeau nazi » est un fake. Elle est souvent diffusée par des comptes de médias sociaux pro-Kremlin et des propagandistes russes afin de discréditer le régiment Azov. En fait, la photo était celle du drapeau autrichien, qui a ensuite été associé à une « croix gammée » au moyen d’un éditeur de photos.
Les activités du régiment Azov en Ukraine sont sous les projecteurs des médias pro-Kremlin depuis sa création en 2014, immédiatement après le début de l’agression russe, qui comprenait l’occupation temporaire de certains territoires des régions de Donetsk et de Louhansk, ainsi que de la Crimée. Il existe des centaines de fakes sur l’implication de membres d’Azov dans des groupes néo-nazis en Ukraine. Par exemple, les médias russes ont publié de fausses photos de membres présumés d’Azov avec des tatouages nazis.
Après l’incorporation du bataillon Azov dans la Garde nationale ukrainienne le 11 novembre 2014, les médias russes ont commencé à écrire que la plupart des membres de cette formation militaire, ainsi que l’ensemble de l’armée ukrainienne, étaient des « nazis ». Pour référence, au début de l’année 2022, l’armée ukrainienne comptait plus de 246 000 personnes, dont 195 000 militaires. En supposant même que les membres d’Azov puissent avoir des sympathies pour l’extrême-droite (ce qui est loin d’être vrai), le bataillon Azov peut compter jusqu’à 5 000 hommes, or cela ne représente que 2,5 % de l’ensemble de l’armée. Par conséquent, les propos selon lesquels le régiment Azov exercerait une influence dominante sur les dirigeants politiques et militaires de l’Ukraine demeurent sans fondement. Regardons maintenant la photo qui temoignerait de « l’idéologie nazie » du régiment Azov.
La photo est apparue en 2015, on y voit des membres d’Azov qui auraient tenu un drapeau nazi. Cette image a été largement utilisée par la propagande russe depuis 2015. Pour démontrer que cette image a, en fait, été finalisée dans un éditeur de photos, nous pouvons utiliser le service Fotoforensic (https://fotoforensics.com/).
Vérifions l’image qui circule sur les médias sociaux en utilisant l’ELA (« error level analysis ») qui identifie les zones de l’image qui ont été soumises à différents niveaux de compression. Pour les images JPEG, tous les reliefs de couleur doivent se situer dans les tolérances standard. Si une partie de l’image présente un niveau « d’erreur de couleur » sensiblement différent, cela indique probablement que des modifications ont été introduites dans la photo.
Comme vous pouvez le voir, les zones noires placées sur les visages et la croix gammée nazie sont d’une couleur différente du reste de l’image (les visages marqués et la marque de la croix gammée sur le drapeau). Cela indique que ces zones peuvent être des modifications de l’original à l’aide d’un logiciel tel que Photoshop. Autrement dit, la croix gammée sur le drapeau lui-même pourrait avoir été appliquée après que la photo ait été prise.
Une recherche sur Internet pour un drapeau similaire ne donne pratiquement aucun résultat dans Google et Yandex. Nous ne pouvons trouver qu’une seule variante d’un drapeau similaire avec une croix gammée. Il serait probablement vendu aux États-Unis (il était présent comme marchandise à l’une des foires). Il est similaire, par sa couleur et son inclinaison de la croix gammée, à celui qui aurait été tenu par les combattants d’Azov sur la photo étudiée. Mais, comme vous pouvez facilement le voir, la croix gammée est dessinée à l’intérieur d’un carré avec un bord noir. Sur la photo du bataillon « Azov », ce carré n’existe pas et cela est probablement dû au fait que sa reproduction dans Photoshop demande du temps et la maitrise d’un graphiste professionnel.
Sur Internet, on trouve surtout des drapeaux blancs et rouges, sur lesquels la croix gammée a été appliquée ultérieurement (collée ou cousue). Cela confirme une fois de plus que sur la photo originale, l’un des combattants arborait un drapeau qui se prête bien à ce genre de manipulation – le drapeau de l’Autriche (il y avait plusieurs volontaires étrangers au sein du régiment Azov à l’époque).
On peut également voir le drapeau de l’OTAN sur la photo, qui serait difficilement affiché à côté du « drapeau nazi », tandis que le drapeau autrichien à côté du drapeau de l’OTAN est tout à fait possible.
Le commandement du Régiment Azov a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne partageait pas l’idéologie nazie. « Il n’est pas question d’inviter dans nos rangs des organisations d’extrême droite ou des personnes qui soutiennent cette vision du monde (nazie, – ndlr) », a expliqué le commandant du régiment Denis Prokopenko. Andriy Biletskyy, le fondateur et premier commandant du régiment Azov, a également noté dans une interview récente que « pour qualifier quelque chose de fasciste, il faut d’abord regarder non pas des images, mais des faits réels. Le fascisme, c’est le génocide, le meurtre de civils, la destruction des traces de ces meurtres et les guerres d’agression contre des pays tiers. Seule la Russie répond à tous ces critères. » Le symbole du régiment « Azov » n’a également rien à voir avec les symboles nazis, il s’appelle « L’idée de la Nation » et a été inventé en 1991. Vous pouvez en apprendre davantage sur les opinions et les convictions d’Azov grâce à une vidéo diffusée le 8 mai pour les journalistes étrangers depuis les sous-sols de l’usine Azovstal, où les combattants d’Azov se battent désormais pour leur pays.
Pour la propagande russe, le régiment Azov est exactement la preuve du nazisme qui a poussé la Russie à déclencher une guerre totale avec l’Ukraine, faisant des milliers de victimes. Aujourd’hui, il est important pour la Russie de convaincre le monde entier qu’il y avait une vraie raison pour l’invasion de l’Ukraine et que les AFU, tout comme les militaires russes, sont des criminels de guerre.