L’armée ukrainienne crée des difficultés insurmontables pour la propagande russe. Tandis que le Kremlin vante les progrès sensibles dans une juste cause «contre les nazis mythiques» (c’est-à-dire la population civile ukrainienne – ndlr), les forces armées ukrainiennes mettent à mal l’image d’invincibilité de l’armée russe. La propagande russe est basée sur le déni systématique. Ainsi, le Kremlin peut se taire sur des milliers de morts et apporter des crématoires mobiles, mais il est plus compliqué de mentir à propos de la perte du croiseur «Moskva».
StopFake a rassemblé les mensonges des propagandistes russes sur ce qui est arrivé au croiseur.
«Le 13 avril, au soir, le croiseur Moskva («Moscou», en russe), navire amiral de la Flotte russe de la mer Noire, est touché par deux missiles Neptune, entrainant une explosion de munitions», lit-on dans la publication du chef de l’administration de la région d’Odessa Maxim Marchenko. (Le Neptune est un missile de croisière anti-navire ukrainien développé par Luch Design Bureau – ndlr). Le croiseur a été gravement endommagé.
Le commandement opérationnel «Pivden» («Sud») a donné une autre explication: qu’un incendie s’était déclaré sur le croiseur, et puisque «une tempête puissante avait eu lieu au même moment», une explosion de munitions avaient renversé le navire, et il avait commencé à couler. Plus tard, le Pentagone a confirmé qu’une explosion s’était produite, sans donner de raisons précises. Il était annoncé que le Moskva serait très probablement emmené à Sébastopol pour des réparations.
Le 14 avril au soir, le ministère de la Défense de la Fédération de Russie a confirmé les déclarations de la partie ukrainiennes, c’est à dire que le navire avait finalement coulé, mais prétendument, au cours du remorquage, à cause d’une tempête, et non parce que le navire avait été touché par des missiles ukrainiens.
Version du ministère de la Défense de la Fédération de Russie
Vers 2h du matin, le 14 avril, le ministère de la Défense de la Fédération de Russie a rapporté le fait: un incendie sur le navire provoqué par l’explosion de munitions. Officiellement, la flotte russe affirme que l’équipage du Moskva a été évacué du croiseur et n’a pas fait état ni de morts, ni de blessés ni de disparus. «Les causes de l’incendie sont en cours d’établissement», – lit-on dans la publication du ministère.
Les médias russes ont diffusé une déclaration du ministère de la Défense de la Fédération de Russie tout au long du 14 avril. Prétendument, le point d’origine du feu sur le croiseur était localisé, il n’y avait pas de flammes extérieures et les explosions de munitions avaient cessé. En sus, il a été déclaré que tout l’équipage avait été évacué sur les navires de la flotte de la mer Noire présents dans la région et que l’armement principal des missiles était intact.
Etonamment, de nombreux médias n’ont rien écrit. Les quelques uns qui l’ont fait se sont limités aux renseignements fournis officiellement. Toujours aucune information sur les membres d’équipage, ou commentaires de la part de participants d’une mission de sauvetage.
L’avion américain ou cigarette du soldat russe
Néanmoins, certains médias ont tenté de proposer leurs propres versions, bien ironiques, sur l’armée ukrainienne et son rôle dans la défaite du «Moskva». C’était embarrassant pour la propagande russe d’accepter que l’armée ukrainienne avait touché le navire amiral de la flotte de la mer Noire (avec un missile de fabrication ukrainienne en plus). Pour faire simple, ils ont trouvé le coupable : l’Occident. Plusieurs médias russes, dont Lenta.ru, ont diffusé l’information qu’un avion de patrouille anti-sous-marin Boeing P-8A a été repéré près du croiseur brûlant.
D’après une autre version, l’origine de l’arme été incertaine, il ne s’agissait pas d’armes ukrainiennes, mais d’une une cargaison de l’Occident. Alexander Kots, le propagandiste de Komsomolskaya Pravda, a suggéré que c’était un missile anti-navire norvégien, secrètement livré à l’Ukraine par les Etats-Unis.
La version finale a été que quelqu’un n’aurait «banalement, pas éteint une cigarette».
Bon, ils l’ont frappé, et alors quoi ?
Lorsque la perte du croiseur est devenue irréfutable, la propagande a commencé à expliquer que ce navire n’était pas si indispensable que ça. Selon RBC.ru, les experts ont conclu, que «le naufrage du Moskva n’aurait pas grand effet sur le déroulement de l’opération spéciale, a contrario cela donne des arguments convaincants en faveur du déclassement des anciens grands navires soviétiques».
«Théoriquement, le Moskva, est un navire puissant. Mais en réalité, il est devenu anachronique avec une faible défense aérienne à courte portée et des problèmes avec le système de défense aérienne en général», lit-on dans RBC.ru propos recueillis auprès de Vasily Kashin, directeur de recherche au Centre d’Asie Nord-Est de l’Institut d’études d’Extrême-Orient à l’Académie des sciences russe. (Selon les sources ouvertes, Vasily Kashin a travaillé pour le journal d’affaires Vedomosti ainsi que pour l’Agence d’information russe RIA Novosti en tant que chef du bureau adjoint de Pékin – ndlr)
Margarita Simonian, la dirigeante de RT et Sputnik, l’un des piliers de la propagande russe, a également minimisé cette perte et a mentionné son âge. «Le croiseur Moskva a un an de plus que moi», a écrit la directrice de la chaîne de propagande d’État RT sur son compte Twitter.
Il convient de préciser que le ministère de la Défense de la Fédération de Russie a été obligé d’admettre que le navire avait coulé. Mais avant cela, les soi-disant experts russes ont également évalué le temps qu’il faudrait pour restaurer le Moskva.
Le 14 avril au soir, Moscou a annoncé que le croiseur Moskva venait de couler. Même dans ce cas, les médias russes ont continué de diffuser différentes hypothèses. Fontanka.ru a prétendu que les habitants de Sébastopol avaient témoigné que le croiseur «était presque arrivé à sa destination finale». Et bien que le ministère ait déclaré que tous les membres d’équipage été secourus, des informations sur les morts ont commencé à apparaître. L’équipage prescrit du Moskva comptait 510 personnes. Selon un ancien député de la Douma russe, militant de l’opposition, Ilya Ponomarev, le nombre de marins secourus n’était que de 58 personnes.