La chaîne de télévision russe REN-TV a diffusé le film tapageur «L’Ukraine en feu». C’est un film du réalisateur américain Oliver Stone, ayant précédemment gagné trois Oscars. Stone est indiqué comme l’auteur des interviews dans le générique. Le film est le résultat des efforts d’une équipe russo-américaine dirigée par les réalisateurs Igor Lopatenko et Ben Bywater.

Réalisateur américain Oliver Stone

L’histoire et les personnages

«L’Ukraine en feu» a répété la plupart des interprétations russes sur les événements en Ukraine. Prétendument, les États-Unis et les opposants ukrainiens ont organisé les événements d’Euromaidan pour renverser Viktor Ianoukovitch.

Vous allez apprendre dans ce film, par exemple, que le lancement de chaînes de télévision en ukrainien comme Spilno TV, Hromandske TV ou Espreso TV en novembre 2013 faisaient partie (en quelque sorte) d’un plan visant à renverser ce régime de Ianoukovitch.

Le filme affirme que les forces spéciales du MIA d’Ukraine, les «Berkut» («Aigle royaux» en français) n’étaient pas coupables de passage à tabac des participants du Maidan la nuit du  29 au 30 novembre 2013, car il s’agissait soit-disant d’une provocation planifiée.

L’acte des policiers ouvrant le feu face aux manifestants du 18 au 20 février est présenté comme «le sacrifice le plus massif dans l’histoire des révolutions des couleurs».

Le film a aussi soulevé la question de la Crimée. Selon Vladimir Poutine, la Russie a annexé la Crimée car les États-Unis allaient s’emparer de la péninsule. En fait, ce film est dans la continuation des fakes du documentaire «Crimée. Le retour chez soi».

«L’Ukraine en feu» est basé sur des entretiens avec des ex-fonctionnaires ukrainiens, en exil en Russie (par exemple, l’ex-ministre de l’Intérieur Vitaliy Zakharchenko et l’ancien président Viktor Ianoukovitch). De plus, il y a des interviews avec le président russe Vladimir Poutine et le journaliste américain Robert Perry. Il faut préciser que Robert Perry est éditeur du site Consortiumnews, qui publie régulièrement des fakes anti-américains et pro-Poutine.

Le spectateur n’a aucune chance d’entendre des points de vue alternatifs sur la question. Les commentateurs soutiennent une version unique, et c’est l’interprétation russe sur les événements en Ukraine. Les réalisateurs ont essayé d’expliquer les causes et la manière du changement de pouvoir en Ukraine en 2014 dans un style documentaire, StopFake propose une réfutation des erreurs et des manipulations particulièrement grotesques.

https://youtu.be/Nk0rq1BJBzc

Le financement du Maidan par les Américains

Le financement par les Américains du mouvement du Maidan fait la trame de la narration du film. Un extrait d’une déclaration de Victoria Nuland, Secrétaire d’État adjointe aux États-Unis, à propos d’un investissement de 5 milliards de dollars en Ukraine a été utilisé comme une preuve de ce mensonge.

Il s’agit du discours de Victoria Nuland à Washington lors d’une réunion de la «US – Ukraine Foundation» le 13 décembre, 2013 (à partir de 4:12).

La propagande russe a donc commencé à utilisé ses mots pour confirmer la thèse du financement de la Révolution par les États-Unis. StopFake a déjà parlé de l’existence d’un programme d’État de coopération entre les États-Unis et l’Ukraine dans les domaines scientifiques et techniques, culturels, commerciaux et agricoles, mais aussi à propos d’institutions démocratiques, et le financement a été effectué dans le but de permettre à ce programme de continuer d’exister.

Selon la déclaration du Département d’État des États-Unis, une somme d’environ 2,4 milliards de dollars a été affecté à des programmes promouvant la paix et la sécurité, y compris grâce à de l’assistance militaire, ou encore des programmes de sécurité des frontières, de problèmes de traite des êtres humains, ou alors de coopération internationale contre la production et le trafic de stupéfiants. Il a également été cité  les sommes pour les autres programmes : soit «la gestion juste et démocratique» (800 M de dollars), «l’investissement dans les gens» (400 M de dollars), la croissance économique (1,1 milliard de dollars), ainsi que de l’aide humanitaire (300 M de dollars).

            Des dizaines d’autres pays ont participé à des programmes d’aide américaine semblables. Par exemple, la Fédération de Russie a reçu 3,5 fois l’aide financière de l’Ukraine depuis 1991, c’est-à-dire une somme d’environ 18 milliards de dollars.

Le Congrès américain sponsorise également une fondation, «National Endowment for Democracy», l’une des plus grande organisation de donateurs en Ukraine. La liste des projets et des bénéficiaires de subventions sont disponibles sur leur site web.

La Crimée, le cadeau de Khrouchtchev à l’Ukraine

            «La péninsule a été «offerte» à l’Ukraine par Nikita Khrouchtchev en 1954. L’action du Secrétaire Général du Parti Communiste Soviétique reste l’objet d’interprétations différentes» (15:30).

La Crimée est devenue ukrainienne en 1954 selon le décret du Soviet Suprême de l’URSS du 19 février 1954 et la loi d’URSS du 26 avril 1954.

En 1954, Khrouchtchev n’avait pas le pouvoir de décider tout seul. Il était obligé d’obtenir l’adoption de cette décision.

Ainsi, il est difficile d’appeler la Crimée un «cadeau», même un «cadeau empoisonné». C’était une région vidée par la guerre et les purges staliniennes contre les Tatars, accusés d’avoir collaboré avec les Nazis. En outre, pour équilibrer l’échange, l’Ukraine a été obligé de transférer à la Russie d’autres terrains qui font ensemble une superficie plus important que la presqu’île.

Andrey Parubiy

«Andrey Parubiy mènera à sa suite toute une armée de nationalistes à tous crins et des marches aux flambeaux» (18:28).

A l’époque, Andrey Parubiy était le commandant du village de tentes sur Maidan. Maintenant, il est parlementaire à la Verkhovna Rada. En fait, il n’a pas pris part aux marches de flambeaux et n’a pas d’implication dans les mouvements ultranationalistes. De plus, il s’agit de marches qui ont lieu à Kiev et Lviv le 14 octobre (la Journée des défenseurs de l’Ukraine, date qui commémore la fondation de l’UPA, l’Armée insurrectionnelle) et le 1er janvier (anniversaire de Stepan Bandera). C’est le parti «Svoboda» (en français «Liberté») qui est engagé dans leur organisation.

«Et voici une coïncidence intéressante. Un envoyé du Maidan, Andrey Parubiy, est arrivé à Odessa quelques jours avant la tragédie (2 mai 2014). Par des coïncidence mystérieuse, il a rencontré lors de cette visite les participants actifs des événements de ce jour tragique» (18:18).

Parubiy est arrivé au checkpoint près d’Odessa le 29 avril et a présenté des gilets blindés à Nikolay Volkov. Ce dernier a été capturé lors des événements du 2 mai sur les lieux de la tragédie. Prétendument, d’une façon ou d’une autre, ces deux faits assurent l’organisation de la tragédie par les autorités.

En réalité, Parubiy en tant que Secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense de l’Ukraine a voyagé dans les villes du sud-est de l’Ukraine pour éviter une déstabilisation de la situation. Les dossiers de ses voyages sont publiés sur son Facebook.

Débordements lors du Maidan

«Le Service de sécurité d’Ukraine dispose d’une information fiable à propos d’une communication téléphonique entre Serhiy Lyovochkin (à l’époque, vice-président de la faction «Le Bloc d’Opposition») et le leader de l’opposition Yatsenyuk. Ces politiciens ont discuté d’un nettoyage du Maidan sous prétexte de l’installation d’un arbre de Noël» (38:30).

En fait, les réalisateurs ont tenté d’ajouter n’importe quelles photos ou vidéos pour prouver leur déclarations. Mais cette information à propos d’une communication téléphonique entre Lyovochkin et Yatsenyuk est carrément sans fake photo. StopFake n’a pas réussi à trouver des preuves de l’existence de déclarations semblables de la part du SBU (Service de sécurité de l’Ukraine). Serhiy Lyovochkin nie son implication dans les violences impliquant les participants du Maidan.

«Les agences de presse ont rapporté que les forces spéciales du MIA d’Ukraine, les «Berkut» ont attaqué des étudiants-dormeurs dans leurs tentes. Mais les vidéos sont révélatrices d’une vérité alternative. Il semble que les manifestants ont attendu l’arrivée de la police. Un groupe de jeunes, qui sont venus avec le détachement de la police spéciale a beaucoup impressionné. Ils se sont mêlé à la foule et ont commencé à provoquer la police à l’aide d’insultes, des pierres et des flambeaux » (39:00).

La version évoquant des provocateurs et de la défense de participants de Maidan de ces gens franchement agressifs est apparue quelques jours après cette nuit sanglante. La version officielle originale du ministère de l’Intérieur a été que les «Berkut» ont protégé le trajet des véhicules communaux et l’installation du sapin de Noël.

StopFake n’a pas réussi à trouver de photos ou de vidéos montrant des provocations par des jeunes gens agressifs avant l’attaque. Ces résultats ne se recoupent pas avec l’affirmation des réalisateurs à propos de «dizaines de chaînes de télévision». En toute cas, il est difficile d’expliquer la cruauté excessive des attaquants et les raisons pour lesquelles certaines personnes ont été frappés à un demi-kilomètre de Maidan.

Vidéo du «nettoyage» de Maidan:

Serhiy Nigoyan (21 ans, le premier dont la mort a été confirmé), «immolation sacrale»

«Serhiy Nigoyan a été parmi les premiers participants du Maidan. Il n’était pas lié avec des radicaux, mais il  était plutôt plein d’espoir et de foi dans le bien et la justice. Vous n’allez pas avoir un pressentiment de mort imminente de cet homme lors de la projection d’une vidéo qui montre un verset de Serhiy. Mais c’était une sorte de casting pour le rôle d’un immolation sacrale. Malheureusement, Serhiy a joué ce rôle. Il a été tué par ses frères d’armes le matin même, 22 janvier» (55:00).

On n’en sait rien de l’assassin de Nigoyan. L’enquête est toujours en cours. Oliver Stone a montré la vidéo d’un verset de Taras Shevchenko par Serhiy pour prouver la version que cet Ukrainien d’origine arménienne a été tué par ses amis.

En fait, des vidéos similaires ont été répandu. Il s’agit d’un dossier pour le projet «Notre Shevchenko», consacré au 200e anniversaire du poète ukrainien. Les auteurs de ce projet ont filmé 365 vidéos qui montrent comment les Ukrainiens ont lu des extraits de poèmes du poète.

Fuite de Ianoukovitch

«J’ai signé ce protocole (l’accord sur le règlement de la crise ukrainienne avec les leaders de l’opposition), mais plus tard, j’ai compris que le scénario de ce coup d’État était planifié et inévitable», – a déclaré Ianoukovitch.

En fait, l’ancien président de l’Ukraine, Viktor Ianoukovitch, a commencé ses préparatifs quand les négociations ont été en cours. C’était le 19 février. Les vidéos des caméras de surveillance de Mezhyhirya (résidence de Ianoukovitch et le symbole de l’opulence de la famille Ianoukovitch).

«Le lendemain, M. Ianoukovitch s’est rendu à la deuxième plus grande ville du pays, Kharkov. Après son départ, on a saisi sa résidence, l’administration et le gouvernement à la pointe de l’épée», a déclaré Poutine (1:01:00).

Mais, l’information sur le départ de Ianoukovitch était absente et cela n’est devenu évident que le 22 janvier.

En outre, l’occupation à main armée n’est qu’un autre mensonge de Poutine. Les gardes armés de la résidence sont parti au moment de l’entrée de représentants du Maidan. De plus, il ne s’agissait pas d’une prise de possession de la Verkhovna Rada ni du Cabinet des ministres à la pointe de l’épée.

L’annexion pacifique de la Crimée

«Les habitants de la Crimée ont initié le référendum», – a dit Ianoukovitch (01: 04: 50).

Sergey Aksenov, le soi-disant «premier ministre» de la Crimée a déclaré lors d’une diffusion à l’antenne que c’était le président russe, Vladimir Poutine, qui était personnellement l’initiateur de l’annexion de la Crimée.

«Comment est-il possible de deviner la volonté du peuple? Dans notre monde il est possible de le faire à l’aide du vote. Les gens sont venus, ils étaient plus de 90 %, et plus de 90 % ont voté en faveur de l’adhésion à la Russie. Il faut respecter le choix des gens… Nous n’avons pas utilisé la force là-bas, personne a été tué», – a dit Poutine (1: 07:45).

Ce «référendum» est uniquement reconnu par la Russie et quelques pays, dépendants de la Russie. Poutine n’a pas dit un mot à propos de la présence de forces armées russes ni des politiciens pro-russes de partis et d’organisations marginalisées ont été présenté comme des observateurs internationaux.

Des journalistes indépendants, comme Pavel Kanygin de «Novaya Gazeta» ont signalé plusieurs violations aux règles de vote qui ont remis en questions les résultats. Ainsi, les gens ont voté sans inscription ou enregistrement, les bulletins de vote étaient imprimés sur des imprimantes ordinaires, les journalistes étaient expulsés lors du décompte des voix.

L’annexion n’a pas été pacifique non plus, car on a recensé deux militaires ukrainiens morts, Sergey Kokurkin et Stanislav Karachevskiy.

Les réalisateurs de «L’Ukraine en feu» n’ont pas montré les débordements entre les participants du Maidan et les «Berkut» le 1er décembre, ni le mauvais traitement du cosaque Gavrilyuk, ni la tentative d’assaut de Maidan le 11 décembre. En outre, il fallait commencer le récit de radicalisation de protestations par la vote pour les soi-disant les «lois dictatoriales» du 16 janvier, ce qui a provoqué l’escalade du conflit. Les réalisateurs ont aussi omis l’organisation par les autorités de visites de «titushki» (les groupes des provocateurs payés) à Kiev.

«L’Ukraine en feu» est une version unique, et c’est une interprétation russe pleine de fakes et manipulations sur les événements en Ukraine.