Par Sarah Hurst (@XSovietNews) pour StopFake.org
Quelques heures après l’annonce de la police Britannique la nuit dernière, à propos d’un couple britannique du Wiltshire qui a été empoisonné par le «Novitchok», la machine de propagande russe a ouvert le feu et s’est mise en route, conformément à l’objectif habituel de jeter le doute et la confusion dans l’esprit des gens. La véritable histoire est relativement simple: deux victimes, Charlie Rowley et Dawn Sturgess, sont tombées malades le 30 Juin. Le couple demeure dans un état critique, probablement en raison du contact avec le reste du Novichok de Salisbury, après l’attaque contre Sergei et Julia Skripal en mars 2018.
Maintenant, les réactions de la Russie dans ce genre de situations sont testées et approuvées, voire même ennuyeuses. Cependant, elles sont toujours efficaces. Beaucoup de gens au Royaume-Uni préféreraient croire qu’ils ont été dupés par leur propre gouvernement que par la Russie – en particulier, les sympathisants de Jeremy Corbyn, le chef du Parti travailliste britannique – qui constituent un public fertile pour les mensonges russes, qu’ils répétent et agrémentent ensuite. Le cycle se poursuit par les médias russes citant les «sceptiques» britanniques, qui sont représentés comme plus intelligents que ceux qui font confiance au «discours officiel» – en d’autres termes, qui respectent les faits connus.
Les ambassades peu diplomatiques
Sans surprise, les comptes Twitter des ambassades russes se sont engagés, et un tweet de l’ambassade russe aux Pays-Bas a attiré une attention particulière. «Jusqu’à quel point pensent-ils [symbole du drapeau russe] est stupide d’utiliser «à nouveau» le soi-disant «Novichok» au milieu de la Coupe du Monde et après la session spéciale du CSP (qui est d’ailleurs organisée par [le symbole du drapeau britannique]) et qui a donné au #OPCW une fonction spéciale. Apparemment, «le spectacle doit continuer?»
Il s’agit d’un exemple typique de la Russie posant une série de questions inutiles et illogiques. En pratique, personne ne pense que la Russie a attaqué la région de Salisbury au Novitchok encore une fois. D’autre part, il semble que les autorités britanniques ont fait une erreur en termes de localisation du réservoir dans lequel se trouvait le Novitchok, et tout autre matériel désaffecté comme les combinaisons de protection que portaient les coupables. The Sun a récemment rapporté que deux personnes supposément russes ont quitté le Royaume-Uni immédiatement après l’attaque sur les Skripals, ce qui correspond à une autre rumeur selon laquelle un message russe a été intercepté confirmant que les suspects ont rentré chez eux. Dans ce cas, le gouvernement britannique pourrait aider en faisant une déclaration sur les suspects, qui probablement, ne seront jamais traduits en justice. De plus, le public doit être beaucoup mieux informé sur le risque actuel à Salisbury, car plus de Novitchok pourrait se trouver là-bas.
Le tweet de l’ambassade russe est d’ailleurs trompeur pour une autre raison: la Russie a annexé la Crimée pendant les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014. Ainsi, elle ne se gêne pas pour commettre des crimes majeurs en accueillant des événements sportifs internationaux. L’autre partie du tweet renvoie au récent vote auprès de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) qui lui conférait le pouvoir de chercher les responsables des attaques chimiques, à la suite des nombreuses attaques du régime d’Assad, soutenu par la Russie en Syrie et de l’attaque au Novitchok au Royaume-Uni. Le résultat du vote a été de 82-24, avec la Russie votant contre, prétendant qu’elle préfèrerait que le Conseil de sécurité de l’ONU traite de ces questions – en fait, la Russie y bénéficie d’un droit de véto. La Russie a également injustement accusé le Royaume-Uni d’avoir corrompu des délégués de soutenir la réforme. Il semble que ce tweet suggére que cette décision de l’OIAC découragerait la Russie de commettre des attaques à l’arme chimique, bien que la Russie nie tout implication dans de telles attaques.
L’ambassade russe en Afrique du Sud a tweeté: «Deux Britanniques auraient été empoisonnés à #Amesbury par “Novitchok”. Fait: le laboratoire de biotechnologie militaire de Porton Down est capable de produire cet agent neurotoxique et se trouve très proche de #Salisbury et #Amesbury. Question: Quel prétexte sera inventé pour faire porter la faute à la Russie cette fois-ci?» La réponse est plutôt facile: c’était une attaque, une attaque par la Russie. Depuis l’attaque contre les Skripals, la Russie a prétendu activement que le Novitchok était produit à Porton Down. Cependant, il est probable que Sergey Skripal ait été choisi comme cible précisément à cause de la proximité entre Porton Down et Salisbury. Les chances que les autorités britanniques aient empoisonné eux-mêmes les Skripals pour des motifs qui ne sont pas répréhensibles semblent avoir diminué depuis ce dernier incident: les coupables ont été complètement insouciants, et ainsi de multiples opérations de nettoyage ont coûté cher au pays.
L’ambassade de Russie au Royaume-Uni n’a pas grand-chose à dire à ce sujet, à part que la Russie devrait figurer dans l’enquête, mais était plus occupée à tweeter des «lettres de simples citoyens britanniques» – ce fois-ci, c’était à propos de la Coupe du Monde. L’une des lettres d’aujourd’hui a déclaré: «Je voudrais remercier le gouvernement russe pour ce que sera la meilleure Coupe du Monde possible, félicitations. Tout le monde dit qu’ils souhaitent y aller et que c’est beau la Russie. Félicitations.»
Les accusations envers le Royaume-Uni
RT a choisi de tourner en satire tout l’incident de l’empoisonnement, affirmant que la plupart des gens considèrent cela comme une vaste blague. Dans l’article titré«New legal high? (substance psychoactive licite – ndlr). Twitter est inondés par les moqueries et les conspirations après que le Novitchok ait frappé le Royaume-Uni de nouveau», la chaîne de propagande a présenté une sélection de tweets prétendument humoristiques et de théories alternatives qu’elle semblait appuyer. Un internaute appelé «Martin 93-20» (@SolomonLX11) a tweeté: «Tout ce novitchok à Salisbury m’a fait penser que ça n’avait rien commun avec les Russes mais avec quelqu’un à Salisbury. La plupart des choses sont à votre porte. #closertohome».
“Rob” (@Robgreeen1) a tweeté: «Et si le gouvernement était sur le point d’empoisonner au hasard quelqu’un au Novichok chaque fois que les gens commencent à se rendre compte de la véritable nature de Brexit?» La Russie a souvent avancé l’idée que les Skripals avaient été empoisonnés par le gouvernement britannique en raison du Brexit, même si il est devenu de plus en plus évident est aussi un projet dans lequel le Kremlin a pris part, par exemple, en proposant un investissement pour le sponsor de la campagne du Brexit d’Arron Banks.
Un utilisateur appelé «Paul Mansfield» (@azardsphere) qui partage de la propagande russe presque exclusivement, a publié un tweet avec une illustration d’un couple d’un vieux film d’horreur: «L’horreur revient. #SkripalPoisoning number 2 (l’empoisonnement de Skripals numéro 2): #Amesbury Poisonings. Novichok, résistant et imperméable, frappe à nouveau. #FalseFlag #Russophobia #WorldCupRussia #PortonDown #MI6». Il s’agit d’un autre faux refrain commun de la Russie: prétendument, le Novichok se serait dégradé et ne pourrait pas empoisonner une personne trois mois plus tard. En outre, la Russie ne cesse de nous rappeler que si les Skripals ou le couple britanniques avaient été empoisonnés par Novichok, «ils seraient morts», comme Poutine l’a déjà affirmé, ce qui est à nouveau faux. The Guardian a publié le 22 mars un article à propos d’un scientifique soviétique, Andrey Zheleznyakov, qui a été accidentellement exposé au Novichok en 1987 et est mort en 1993 à cause d’une crise cérébrale, après que l’agent neurotoxique aie démolie son esprit et son corps.
Pendant ce temps, Sputnik a tenté de détourner l’attention sur les médias britanniques, dans un article sous le titre «La charrue avant les bœufs: les médias britanniques ont immédiatement accusé la Russie pour l’incident d’Amesbury». Les quotidiens populaires britanniques ont déjà pointé du doigt la Russie, mais les commentaires des lecteurs montrent que les gens ne les croient pas, a déclaré Sputnik. Ils ont ensuite cité quelqu’un appelé «NotBeingFooled» qui a commenté un article du Daily Mirror: «Ça recommence. La police n’a même pas confirmé qu’un crime a été commis, mais les médias et les services de sécurité tentent de lier cela à l’incident des Skripals. D’ailleurs, Sergey et Julia Skripal sont «miraculeusement guéris» et n’ont pas été vus en public depuis leur sortie de l’hôpital. Ce qui sous-entend qu’il ne s’agit d’une manœuvre de diversion pour donner au gouvernement du renfort sur ses problèmes avec des choses telles que l’état de notre NHS et le Brexit dans un gouvernement divisé».
Les compagnons de route gauchiste
L’ancien politicien britannique de gauche George Galloway, qui anime une émission sur RT, a diffusé toutes les théories conspirationnistes sur les Skripals depuis leur empoisonnement en mars et a publié un brûlot à ce propos sur le site Web de RT le 3 juillet. C’était la veille de la nouvelle au sujet du couple britannique.
«Mais est-ce vrai, ce qu’on nous A DIT à propos de la suite des événements? Je n’ai rencontré personne, absolument personne, qui y croit», lit-on. «Et aucune preuve, quelle qu’elle soit, produite par le gouvernement ou par les autorités publiques qui justifie la précipitation de Theresa May de juger et accuser la Fédération de Russie et – même, les condamnations de la part du secrétaire des Affaires étrangères et du secrétaire de la Défense, du président Poutine. C’est un fait bien documenté que les Skripals ont survécu et qu’il ne s’agissait pas de Novichok», Galloway continue.
En plus, Galloway prétends que l’agent de police Nick Bailey, qui a également été empoisonné par le Novichok lors de l’enquête sur l’affaire des Skripals, aurait été payé «un demi-million de livres à peu près» pour passer sous silence la vérité supposée de cette histoire. Le site Web gauchiste, partisan de Corbyn « Le Skwawkbox » a également fait pression avec un article intitulé «Est-ce que la BBC nous prépare pour le discours du gouvernement sur #Amesburynovichok?»
L’ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan Craig Murray, qui promeut sans cesse la ligne russe, a tweeté: «Nous sommes continuellement présentés avec des experts par les grands médias qui vont valider n’importe quelles propriétés miraculeuses du «novichok», nécessaire pour prouver la dernière histoire anti-russe sauvage du gouvernement».
Les tweets des partisans de Corbyn ont montré leur croyance en une dissimulation du gouvernement et un lien entre Porton Down et les empoisonnements. Par exemple, «Neil Turner» (@chezzy51) a tweeté: «Un autre empoisonnement! Et encore une fois , c’est à seulement 6 miles de Porton Down? … C’est drôle!» En plus de ça, il a ajouté: «Qui profite du plus grand nombre de plaintes liées à un autre empoisonnement… gouvernement britannique!… Pourquoi? … pour détourner l’attention d’une Coupe du Monde réussie en Russie». Selon la description du profil de Turner «Socialiste et syndicaliste au long de la vie. Rejoint le Labour Parti en 2016 pour faire élire Corbyn».
En réalité, le gouvernement britannique est en effet sous une pression immense sur le Brexit, qui prend la tournure d’une catastrophe qui doit être évitée à tout prix. Les négociations avec l’UE sur les conditions du Brexit n’ont pratiquement pas progressé, le Parti conservateur est engagé dans des combats contre les députés principaux. La Première ministre Theresa May ne veut pas faire face à une escalade des empoisonnements où le problème est d’assurer aux résidents de Salisbury que leur ville est en sécurité. De plus, l’Angleterre est sur le point de jouer en quarts de finale de la Coupe du monde et Theresa May doit soutenir les joueurs et les supporters tout en conservant une position ferme contre Poutine. Cinq personnes ont été empoisonnées par l’attaque de la Russie, et le Royaume-Uni devrait réagir par des sanctions, pas seulement par l’expulsion de diplomates – si elle compte le faire, c’est une autre histoire.
Par Sarah Hurst (@XSovietNews) pour StopFake.org