Poutine Fillon Paris 2011
Vladimir Poutine et François Fillon, à Paris, en 2011. Photo Matignon/ euractiv.fr

Soigneusement évitée durant la primaire de la droite, la question européenne devrait s’inviter dans le débat pour le second tour. Le sujet représente une ligne de fracture majeure entre les deux candidats en lice.

S’il ne s’en est pas tellement vanté jusqu’à maintenant, Alain Juppé défend en effet un projet tout à fait europhile. Les Français de l’étranger de droite ont d’ailleurs massivement voté pour lui à la primaire, et en particulier ceux de la zone Benelux, qui ont opté pour Alain Juppé à 48 %, contre 35 % pour Fillon et seulement 7 % pour Sarkozy.

L’homme politique s’est entouré d’une équipe spécialisée sur les questions européennes, avec l’eurodéputé Alain Lamassoure en chef de file, mais aussi la sénatrice Fabienne Keller, qui est une de ses porte-parole. Il a aussi rencontré, en juin dernier, Angela Merkel. Et commencé à évoquer avec elle, selon nos informations, une feuille de route européenne commune qui pourrait être proposée s’ils sont tous deux élus. Sur le fond, l’idée serait de ranimer l’état d’esprit du collectif, parti on ne sait où au niveau européen.

Et aussi redonner à l’UE ses lettres de noblesse. «La première fonction d’un président, elle est internationale : il représente la France au niveau européen, et ses premières visites consistent à aller à Berlin et Bruxelles, pas à Limoges » rappelle un soutien de Juppé. Pour qui retrouver la crédibilité française auprès de l’Allemagne passe inévitablement par la restauration de la stabilité financière. A ce titre, les juppéistes envisagent une loi de finances quinquennale qui rassure les partenaires européens en balisant la réduction des dépenses publiques sur le moyen terme.

Au-delà des questions techniques, les juppéistes sont favorables à une union resserrée, restreinte à quelques pays, qui puisse continuer à avancer vers plus d’intégration. Ils se rapprochent en cela des positions d’Emmanuel Macron, ou encore de François Hollande, qui disent vouloir approfondir le projet européen-tout en se gardant bien de le faire pour l’heure.

Rhétorique eurosceptique

Pour François Fillon, l’approche est radicalement différente. Comme il l’avait souligné dans un discours à l’Assemblée nationale au lendemain du Brexit, le député de Paris souhaite réduire les pouvoirs de la Commission européenne en renforçant les pouvoirs du Conseil de l’UE.

«Nous ne serons jamais un État fédéral. Nous sommes trop différents pour y parvenir. Et ce serait, au demeurant, un contresens historique, car plus les nations sont bridées, plus les nationalismes sont agressifs» avait alors assuré le candidat.

Il avait aussi évoqué la mise en place d’un gouvernement de la zone euro, piloté non pas par des élus européens regroupés au sein d’un Parlement de la zone euro, mais les parlements et gouvernements nationaux. Bref quand il entend le mot Europe, François Fillon répond France souveraine, un discours censé plaire à l’aile droite du parti tentée par le FN.

Le député européen FN Florian Philippot a d’ailleurs attaqué Fillon dès dimanche soir sur le sujet, affirmant que le candidat LR voulait accorder plus de pouvoir à Bruxelles, ce à quoi son porte-parole, Jérôme Chartier, a rétorqué qu’il s’agissait de l’inverse. Un débat clairement destiné à rallier les eurosceptiques.

Et en héritant des « pro-sarkozystes , puisque l’ex-président a déclaré qu’il souhaitait voter pour François Fillon, le candidat plus marqué à droite hérite aussi de la rhétorique quasi eurosceptique développée par Nicolas Sarkozy durant sa campagne.

Le chef de l’État a notamment laissé un très mauvais souvenir aux eurodéputés du Parti populaire européen réunis en convention en juin dernier dans le Sud de la France. Devant ce parterre d’europhiles convaincus, Sarkozy avait évoqué les sujets qui sortent d’ordinaire de la bouche des populistes, de la courbe des concombres à la taille des escabeaux, pour taper sur l’Europe. Avant de rappeler que pour lui, un pays était avant tout une frontière. Au grand dam des élus PPE, qui gardaient plutôt un bon souvenir du Sarkozy président, et notamment de ses trois interventions remarquées et europhiles en plénière du Parlement européen.

Cette campagne surprenante s’est conclue brusquement dimanche soir par un nouveau retrait de la vie politique de chef du parti des Républicains, pour la seconde fois. Selon Le Temps, l’hypothèse d’un retour du président au niveau européen ne serait pas exclue : le poste de Donald Tusk étant vacant au printemps prochain, le chef des Républicains s’y verrait bien selon certains.

Complaisance face à la Russie

Pour les partenaires européens, c’est toutefois plus sur la politique internationale que les inquiétudes se concentrent. Fasciné par Vladimir Poutine, François Fillon a fait preuve dans le passé d’une certaine complaisance face à la Russie, notamment sur le dossier ukrainien. Il connait bien le chef de l’État russe, pour l’avoir rencontré à répétition lorsqu’il était Premier ministre. Une relation qu’il a entretenue depuis, notamment en fréquentant la datcha de Poutine, ou en le croisant lors des Jeux Olympiques de Sotchi.

On voit mal, dans ces conditions, comment l’UE pourrait renforcer des sanctions contre la Russie si nécessaire, en cas d’élection de François Fillon à la tête de l’État français.

La propagande russe ne s’y trompe pas : le député est un habitué des colonnes de Spoutnik, site internet en français financé par le Kremlin. Le site a consacré plusieurs articles à souligner les louanges chantées par François Fillon sur l’action de la Russie en Syrie.

Par : Aline Robert

Source: EurActiv.fr