L’anniversaire de la Révolution de la dignité de 2013-2014 n’est pas seulement une date symbolique pour l’Ukraine, mais aussi un événement médiatique pour les propagandistes pro-russes. C’est aussi une raison de rappeler à nos lecteurs des nombreux fakes que StopFake a réfuté toutes ces années. L’émission russe «Vesti nedeli», et le principal porte-parole de la propagande du Kremlin, Dmitry Kiselev, ont consacré un sujet particulier à l’anniversaire d’EuroMaidan. Ainsi, il ont parlé d’une «trace géorgienne dans le dossier Centunelle Seleste (il s’agit de plus de 100 manifestants pacifiques assassinés par des snipers lors des protestations du Maidan – ndrl). Ce fake a été lancé par un journaliste italien.
Si les ukrainiens ont protesté pour exiger le choix européen du pays et contre la corruption et l’arbitraire des forces de l’ordre, Dmitri Kiselev propose une autre vision de choses: l’EuroMaidan a mis en place «un coup d’état sanglant et une guerre civile». Le présentateur prétend que ses résultats sont «un enfer» pour l’Ukraine, oubliant de mentionner les conséquences causées directement par Moscou: l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, la guerre dans le Donbass, avec la participation de l’armée russe, la guerre contre l’Ukraine, le blocus commercial de la part de la Russie et d’autres facteurs qui continuent de mettre en danger l’Ukraine.
Pour créer une image négative d’EuroMaidan et le compromettre, la télévision russe a diffusé un «reportage» d’un journaliste italien, Gian Micalessin, intitulé «Maidan – Les Snipers témoignent…» («Ukraine, les vérités cachées»). Initialement, c’est Canale 5, l’une des principales chaînes italiennes, qui a montré à ses spectateurs le 15 novembre, dans l’émission Matrix, ce soi-disant «témoignage incroyable» sur le massacre de la place Maidan, qui a eu lieu le 20 février 2014. Il est important de rappeler que le propriétaire de Canale 5 est un ami de Poutine, l’ex-prime-ministre italien Silvio Berlusconi.
Ce fake a vite dépassé les frontières de l’Italie. Tout d’abord, via les médias russes, comme Vesti, NTV, Vzglyad, Moskovskiy komsomolets, Zvezda, Komsomolskaya pravda, Ukraina.ru, Antifasist, ou Politnavigator. Puis, le journal en ligne ukrainien 112 a repris ce fake et a tenté de trouver une liaison avec Saakashvili, tout comme Vesti et Strana.ua. Aussi, des médias allemands, anglophones et bulgares (1, 2, 3) ont repris aussi ce fake.
En France, ce reportage circule depuis quelques jours sur des sites complotistes, les réseaux sociaux et la blogosphère. Par exemple, ici , ici , ou encore ici . De plus, il est possible de trouver des publications consacrées à ce soi-disant «documentaire à couper le souffle» sur Sputnik France, RT en français, niooz.fr , Le Monde… des informations alternatives, ou encore jbl1960blog. Le site Les Crises a aussi traduit cet «incroyable reportage».
Prétendument, le journaliste italien Gian Micalessin, issu, selon nos sources, de l’extrême–droite italienne, a retrouvé et interviewé trois snipers engagés en Géorgie pour faciliter le renversement du pouvoir en Ukraine. Gian Micalessin prétend que ces snipers ont tiré sur les gens du Maidan et déclare que c’était à «la demande de l’opposition pour semer le chaos». Selon lui, ces trois snipers n’étaient pas pro-russes, mais étaient en contact avec des officiels et des militaires américains. Par ailleurs, ce fake à propos de la «participation de snipers géorgiens» a été déjà utilisé par des médias russes en 2014. Des manipulations avec des soi-disant «traces américaines» sur le Maidan ne manquent pas non plus. En outre, Gian Micalessin a exploité le fake sur le ministre des affaires étrangères d’Estonie, Urmas Paet, qui aurait établi un lien entre les snipers et les leaders de l’opposition.
Il convient de spécifier que Gian Micalessin ne fait aucun secret de sa sympathie pour le Kremlin. Dans les années 70, il était militant de la branche jeunesse du MSI, le parti d’extrême droite italien. Son sujet n’est guère neutre.
Le reportage de Canale 5 formule des éléments clefs pour comprendre les faits. «Nous, Européens, nos entreprises le constatent tous les jours, nous payons le prix d’un embargo qui est dirigé contre la Russie». Cette vieille manipulation persiste: l’auteur impose que les sanctions «sont adaptées contre les citoyens et les sociétés russes», tandis qu’en réalité, les sanctions contre les produits européens étaient implémenté par la Russie, et non pas le contraire.
Selon Micalessin, les trois Géorgiens ont été «envoyé par le président de l’époque, Saakachvili, pour soutenir l’opposition ukrainienne». En réalité, en 2013-2014, Saakachvili n’était plus président. En outre, les soi-disant «tireurs d’élite» ont déclaré qu’ils sont entrés dans le pays avec des documents falsifiés et des noms fictifs. Ces snipers s’appelleraient Koba Nergadze, Kvarateskelia Zalogi et Alexander Revazishvilli.
Koba Nergadze est l’un de ces «snipers géorgiens». Il raconte qu’il a été recruté à Tbilissi dans le bureau du Mouvement national (il s’agit du parti «Mouvement National Uni» dont Mikhail Saakachvili a été le leader de 2004 à 2013 – ndlr). Pour le prouver, il montre «un document» – «Certifikate» (à la place de «Certificate» – ndlr) qui contient beaucoup d’autres inexactitudes et erreurs, comme le nom d’une entité qui n’existe pas: «Security service of defence», la phrase «to carry OF the weapon», ou encore «And» avec une lettre majuscule.
Ensuite, «les snipers» parlent d’un instructeur, un militaire américain, nommé Brian Christopher Boyenger. Selon le «documentaire», après Maidan, il se sont déplacé sur le front du Donbass. En outre, les snipers prétendent qu’ils étaient toujours en contact avec un proche de Saakachvili, Mamouka Mamoulachvili, qui leur aurait fait passé ordres et instructions de la part de Saakachvili.
Le journaliste italien utilise une vidéo d’une conférence de presse de la Légion Géorgienne dans la zone d’opération antiterroriste. Mamuka Maolachvili et Brian Christopher Boyenger y sont présent. Mais Gian Micalessin a déformé le discours de participants. Par exemple, lors de la conférence de presse, Mamuka Maolachvili a déclaré qu’il n’était pas présent au Maidan, car il était à Bakou à cette époque, pour assister à la finale d’une coupe d’arts martiaux mixtes. Brian Boyenger a expliqué qu’il est venu en Ukraine la première fois en 2015, et qu’il a entraîné des volontaires, en les apprenant à tirer.
La Légion Géorgienne a également démenti les accusations du reportage de Gian Micalessin. Selon Mamuka Maolachvili, «il s’agit d’une tentative de nous discréditer».
Le Parquet Général de l’Ukraine (PG) a exprimé son étonnement. En effet, l’auteur du «documentaire» ne s’est pas adressé à cet établissement pour des commentaires ou des détails. Selon la déclaration du PG, «ces personnes n’étaient pas dans l’hôtel «Ukraine» (d’où prétendument, ces snipers géorgiens auraient tiré sur les manifestants), ces gens ne sont pas entrés sur le territoire de l’Ukraine». En outre, leurs témoignages ne coïncident pas avec les données des analyses scientifiques et des expériences concernant la mort de deux policiers locaux le 20 février, et des manifestants», – a déclaré Sergey Gorbatyuk, le chef du département des investigations spéciales.
Ainsi, la vidéo du soi-disant «documentaire» «Ukraine, les vérités cachées» du journaliste italien, Gian Micalessin représente un mélange d’une interprétation personnelle et de fakes déjà diffusés en 2014. En fait, ce sont des propagandistes qui tentent à semer le chaos pour faciliter l’implication d’idées pro-Kremlin et discréditer l’Ukraine, son gouvernement et les idées du Maidan.