La Bulgarie n’a pas refusé la fourniture d’armes à l’Ukraine. Le 6 juillet, lors de la visite du président ukrainien à Sofia, la Bulgarie a promis des livraisons militaires supplémentaires, une aide au renforcement du système énergétique ukrainien et un soutien à l’adhésion à l’OTAN. Selon la Constitution et les lois de la République de Bulgarie, le président bulgare ne détermine pas la politique étrangère de l’État. C’est en fait la tâche du Cabinet des ministres.
Malgré la fuite d’informations à propos de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky en Bulgarie quelques jours avant la visite elle-même, la propagande russe, ainsi que les sympathisants bulgares du Kremlin, n’ont pas eu le temps de se préparer correctement. Ce n’est qu’à la fin de la visite, alors que le président ukrainien s’était déjà envolé de Sofia, que la chaîne propagandiste Telegram Readovka a réussi à fabriquer une infox selon laquelle le président bulgare aurait refusé de fournir des armes à V. Zelensky et que ce dernier serait donc reparti de Bulgarie les mains vides. La chaîne Readovka décrit la rencontre des deux présidents en détail: « Le président de “l’Ukraine qui se croit indépendante” a presque immédiatement commencé à exiger des armes mais il a pris une volée de bois vert. Le dirigeant bulgare a déclaré que les armes n’allaient pas résoudre le problème et que la seule issue au conflit était la diplomatie. Cette réponse a enragé V. Zelensky, qui a commencé à agresser verbalement son homologue bulgare, soulignant qu’il n’avait pas besoin de négociations. Évidemment, à la suite d’une telle conversation, Kyiv n’a pas reçu d’armes. Après cela, le chef de “l’indépendante” est allé mendier une assistance militaire à Prague », écrit la chaîne propagandiste de Telegram.
Le 6 juillet, à l’invitation du Cabinet des ministres de la République de Bulgarie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est arrivé à Sofia pour une visite d’une journée. Il ne cachait pas le but de sa visite, et lorsqu’on lui a demandé pourquoi il était venu en Bulgarie précisément maintenant, il a répondu que la raison était le manque d’armes, de temps, d’énergie électrique, ce qui « impose agir beaucoup plus vite ».
La question des livraisons d’armes a été discutée avec différents représentants des autorités bulgares, y compris lors de la rencontre entre les deux dirigeants, qui a effectivement été assez tendue. Certaines déclarations du président bulgare Roumen Radev ont provoqué une réaction émotionnelle de la part de Volodymyr Zelensky, mais le comportement de ce dernier n’a jamais dépassé les limites de la diplomatie et de la courtoisie. Lors d’une rencontre avec des personnes publiques bulgares, Volodymyr Zelensky a décrit le refus de Roumen Radev d’un soutien à la fourniture d’armes comme « une manifestation de points de vue différents ». « Il pense que cela signifiera une escalade, je pense que c’est une défense. Je ne critiquerai pas le président, je suis votre invité et je respecte le pays, toutes vos institutions et vos dirigeants. Lui, en tant que commandant suprême, a déclaré qu’il ne devait pas y avoir de réduction de l’armement de l’armée bulgare, et c’est pourquoi il n’a pas soutenu l’Ukraine … Le nombre d’obus bulgares fournis à l’Ukraine est d’une grande aide, merci beaucoup, mais cela suffira pour cinq jours », a expliqué le président ukrainien.
Mais quelle que soit la position de Roumen Radev, cette rencontre n’a pas été décisive pour la question de la fourniture d’armes bulgares à l’Ukraine. La Bulgarie est une république parlementaire et, conformément au modèle constitutionnel bulgare, le président n’a pas le droit de déterminer seul la politique étrangère de l’État, car il n’a pas de fonctions décisives indépendantes dans ce domaine. En décembre 2022, le parlement bulgare a voté en faveur d’un soutien militaire et militaro-technique à l’Ukraine. Le président et le gouvernement intérimaire qu’il a nommé se sont opposés non seulement à la fourniture d’une aide militaire, mais également au transfert de munitions et d’armes de fabrication bulgare. Tout a changé le 6 juin 2023, lorsque la Bulgarie s’est dotée d’un gouvernement pro-occidental, formé autour de l’académicien Nikolai Denkov, et dans lequel le professeur Todor Tagarev a été nommé ministre de la Défense, qui a déclaré qu’il avait déjà ordonné d’effectuer une analyse des types et de la quantité de munitions et d’équipements qui pourraient être fournis immédiatement à l’Ukraine.
« Le gouvernement a décidé d’allouer une nouvelle tranche d’aide militaire. Nous avons pris cette décision assez rapidement, en trois semaines. Nous analysons les besoins de l’Ukraine, puis nous analysons nos capacités. La Bulgarie a fait tout le nécessaire pour envoyer des munitions à l’Ukraine, directement ou non, ce sont des questions secondaires », a déclaré le ministre de la Défense bulgare quelques jours avant la visite de la délégation ukrainienne à Sofia.
Le 1er juillet, avant de savoir que la visite du président ukrainien aurait lieu, le vice-ministre bulgare de la Défense, le général Atanas Zapryanov a déclaré que la Bulgarie enverrait les armes « nécessaires à l’Ukraine pour regagner ses territoires ». La Bulgarie analyse la liste des besoins de l’armée ukrainienne, que l’Ukraine fournit au groupe de soutien dit « de Ramstein ». « Nous avons examiné toutes ces demandes, ce que la Bulgarie a et peut fournir. Malheureusement, la liste présente une information classifiée et je ne peux pas commenter les nomenclatures spécifiques… Tout ce que nous fournissons n’affecte en rien l’état et la capacité de combat des forces armées bulgares, tant en temps de paix qu’en temps de guerre. Ce sont des réserves excédentaires, et elles seront fournies à l’Ukraine », a-t-il assuré.
Le général Zapryanov, a indiqué attendre la confirmation de l’Ukraine pour pouvoir lancer la fourniture pratique de l’aide militaire comme convenu entre les ministères de la Défense des deux pays.
Le jour de la visite de Volodymyr Zelensky en Bulgarie, le parlement bulgare a voté la décision d’accélérer le processus de mise à jour des réserves départementales de guerre du ministère de la Défense. Cette décision du parlement bulgare devrait apaiser les inquiétudes du président Radev quant aux réserves à la disposition de l’armée bulgare. Comme le note le Centre d’information du ministère bulgare de la Défense, « la majorité des munitions disponibles dans les forces armées bulgares, et qui sont destinées aux réserves départementales de guerre, ont été produites dans la période des années 1970-1990, et un certain nombre encore plus tôt ». À l’heure actuelle, les munitions stockées dans les dépôts de guerre étaient aptes à être utilisées au combat, mais compte tenu de leurs années de production, on peut raisonnablement supposer que leur durée de vie touche à sa fin. Pour cela, il était nécessaire de prendre des mesures urgentes pour mettre à jour les réserves, ce qui permettra de maintenir les réserves dans un état garantissant l’accomplissement des tâches assignées aux forces armées bulgares.
Lors de sa visite en Bulgarie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a présenté une nouvelle liste d’armes nécessaires à l’armée ukrainienne, qui comprenait « tout sauf des avions ». Par conséquent, le lendemain, tôt le matin du 7 juillet, le Comité de défense a tenu une réunion d’urgence au parlement bulgare pour examiner les demandes et déterminer ce qui pouvait être accordé.
Le ministre de la Défense, Todor Tagarev, répondant à une question d’un député, a souligné que la Bulgarie n’agissait pas de manière indépendante, mais dans le cadre de l’Union européenne et des mécanismes de l’UE et de ses alliés pour surveiller l’utilisation de l’aide fournie à l’Ukraine. Il a assuré que les actions du ministère de la Défense se conformaient à la Constitution et aux lois du pays, et mettaient en œuvre strictement les décisions du parlement.
Le même jour, dans l’émission Face à face de la TV bulgare, le ministre de la Défense a également abordé la question de l’adhésion de la Bulgarie à l’initiative de l’UE sur les munitions. Il s’agit de fournir 1 million de munitions de 155 mm à l’Ukraine. Le ministre a déclaré: « Nos entreprises pourront produire des munitions selon les normes de l’OTAN. Il est donc important de faire partie de cette initiative, car cela nous donne l’opportunité d’investir dans notre industrie de défense. Et l’argent proviendra du fonds de l’UE ». Todor Tagarev a également rappelé que la Bulgarie est l’un des plus grands producteurs de munitions en Europe.
Les spécialistes du ministère de la Défense ont encore à discuter et à préciser si la Bulgarie sera en mesure de fournir d’anciens chars lourds et d’anciens systèmes de défense anti-aérienne à l’Ukraine. « Pour l’instant, nous n’envisageons pas l’option de fournir des chars, mais je n’exclus pas que cette question soit soulevée à l’avenir, s’il existe toujours un tel besoin. Nous avons modernisé environ 10 % des chars, le reste n’est pas modernisé et leur modernisation n’est pas prévue dans un avenir prévisible », a expliqué le ministre, qui a déclaré fermement qu’il n’était pas question que la Bulgarie envoie des soldats sur le territoire ukrainien.
Il faut noter que lors de la visite de la délégation ukrainienne en Bulgarie, un certain nombre de documents importants ont été signés: Mémorandum d’accord entre les ministères de l’énergie des deux pays sur une coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire, de l’industrie du gaz, de l’énergie verte et de la transition énergétique; Déclaration conjointe sur l’intégration euro-atlantique de l’Ukraine, qui souligne que « La République de Bulgarie soutiendra l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. Elle continuera à fournir une aide militaro-technique, de défense et humanitaire significative au peuple ukrainien, à la fois de manière indépendante et dans le cadre de la coopération internationale au sein de l’Union européenne, de l’OTAN, de l’ONU et d’autres formats ».
À son tour, V. Zelensky a de nouveau remercié la Bulgarie pour son soutien et son assistance.
« Nous sommes reconnaissants à la Bulgarie d’être du bon côté de l’histoire, en particulier dans le domaine de la coopération en matière de défense et concernant l’intégration euro-atlantique de l’Ukraine », a dit le dirigeant ukrainien. Au cours de sa visite, les parties ont également discuté des questions de la restauration en Bulgarie des soins médicaux et de rééducation apportés aux civils et aux militaires ukrainiens, ainsi que la question de la formation du personnel militaire et médical ukrainien.
Rappelons qu’au début de la guerre, la Bulgarie a secrètement fourni à l’Ukraine du carburant et des munitions pour un montant de 5 milliards de leva (environ 2,5 milliards d’euros). « Presque tout ce que nous pouvions obtenir dans les premiers jours, nous l’avons obtenu avec l’aide de nos partenaires bulgares », se souvient Mykhaïlo Podoliak, conseiller du chef du bureau du président ukrainien.