Les soldats ukrainiens, détenus à Olenivka, un établissement pénitentiaire situé dans les territoires temporairement occupés du Donetsk dans le Donbass, n’auraient pas pu être tués ou blessés à la suite d’une frappe ordonnée par Kiev. Les conclusions des experts internationaux, les faits accessibles au public et les interceptions de conversations prouvent que les forces armées ukrainiennes n’ont pas attaqué Olenivka où sont détenus des prisonniers de guerre ukrainiens. Après de longues semaines de siège et de résistance sur le site sidérurgique d’Azovstal, les combattants ukrainiens s’étaient rendus en mai à l’armée russe.
StopFake a soigneusement analysé les faits et les événements en question. Le 29 juillet, l’information selon laquelle «Kiev a tiré sur la prison où sont détenus les membres du bataillon Azov, utilisant des projectiles américains du système HIMARS» a été diffusée activement par la propagande russe. RIA Novosti, Radio Sputnik, Vzglyad, REN TV, Lenta.ru, Life.ru, Voennoe obozrenie, Russkaya vesna, RiaFan.ru, RG.ru et d’autres médias ont repris ce fake.
En réalité, dans la nuit du 28 au 29 juillet 2022, une explosion s’est produite dans un bâtiment situé sur le territoire de l’ancienne colonie pénitentiaire №210. C’est la prison d’Olenivka, ville étant située dans la région séparatiste de Donetsk, à quelques kilomètres de la ligne de front, dans l’est de l’Ukraine. D’après les informations préliminaires, s’y trouvaient environ 200 personnes. C’était tous des soldats ukrainiens, hommes et femmes, détenus dans cet établissement pénitentiaire dans les territoires temporairement occupés. L’explosion a occasionné 53 morts et plus de 75 blessés mais il est difficile de dénombrer avec précision les morts et les blessés, car les Russes refusent l’entrée aux les représentants des organisations humanitaires internationales sur le lieu de la catastrophe (ndlr: notamment le CICR).
La propagande russe tente de toutes ses forces de transférer sa propre responsabilité sur Kiev. Ces médias prétendent que les forces armées ukrainiennes utilisent des équipements pour attaquer des civils et des prisonniers de guerre, violant ainsi les termes du droit international.
En effet, StopFake a réussi à établir que la propagande russe a propagé les données selon lesquelles l’Ukraine envisageait de tuer les prisonniers d’Azov et cela deux mois avant la tragédie. Le message a été construit de la façon suivante : «les Britanniques voulaient faire passer l’attaque à la lance-roquettes multiples pour une tentative de l’armée russe de camoufler «l’exécution et la torture des prisonniers et présenter les événements selon le modèle de Boutcha».
Parallèlement, la propagande avait monté un autre scénario. Il s’agissait d’accuser le président ukrainien Volodymyr Zelensky d’avoir «donné l’ordre d’éliminer ceux (parmi les prisonniers d’Azov) qui témoigneraient » d’exactions commises par les Russes. Pour en confirmer la fausseté, le propagandiste Andrey Rudenko a enregistré des vidéos avec des hommes d’Azov capturés.
Les prisonniers étaient forcés d’«avouer» sous la pression et d’accéder à tout ce qu’on leur demandait. Y compris, par exemple, qu’ils avaient «reçu du bureau du président Zelensky la mission de se livrer à une tuerie brutale». Cette soi-disant « vidéo révélation » a été diffusée juste la veille de la destruction de la prison d’Olenivka.
Le propagandiste Rudenko a été l’un des premiers sur le site du drame et il a publié la vidéo intitulée «Zelensky a exécuté ses propres sujets».
L’accusation à l’encontre de Zelensky concernant les «exécutions» a été reprise non seulement par les médias du Kremlin, mais aussi par Viatcheslav Volodine, président de la Douma de l’État russe.
C’est assez révélateur que Volodine répète maintenant des points de discussion qui sont vieux de deux mois. «Le président Zelensky et Washington sont derrière l’attaque sur la prison où sont détenus les membres du bataillon Azov. Le principal objectif est d’éviter un nouveau procès de Nuremberg, où les prisonniers auraient osé témoigner. Cette provocation vise à supprimer les témoins de leurs crimes contre l’humanité afin que les citoyens des États européens et des États-Unis ne les abandonnent pas et continuent de leur fournir des armes et des munitions», a déclaré V. Volodine.
Toutefois, l’histoire selon laquelle «Zelensky aurait « ordonné d’éliminer ceux (parmi les prisonniers d’Azov) qui témoigneraient d’exactions commises », commence à s’effilocher dès que la vérification des faits commence.
Le premier message, reçu à 03:07 (heure de Moscou) le 29 juillet a signalé que «les forces ukrainiennes avaient tiré sur la prison d’Olenivka». Il s’agissait prétendument de douze obus de calibre 152 millimètres or les missiles M31 GUMLRS, dont sont équipés les HIMARS, ont un calibre de 227 mm.
Au départ les données ne portaient que sur «le bombardement avec des obus de calibre 152 millimètres». Les autorités des territoires occupés de la région de Donetsk n’ont pas enregistré de frappes HIMARS tout au long de la nuit du 29 juillet à la suite des soi-disant «explosions» à Olenivka. Les sources sont demeurées muettes à propos de frappes sur la colonie pénitentiaire.
Les premiers rapports sur les frappes sont apparus entre 10 à 12 heures après l’article de RIA Novosti.
Aucune information sur l’utilisation du système HIMARS n’est apparue même 10 heures après le «bombardement».
C’est seulement 12 heures plus tard, qu’un message a été diffusé sur la chaine Telegram du propagandiste Rudenko. Il y était écrit : «Première vidéo de la prison d’Olenivka, bombardée cette nuit, utilisant des projectiles américains du système HIMARS». C’était la première fois qu’une telle mention apparaissait.
Il convient de préciser que les vidéos de Rudenko sont tournées pendant les heures où il fait jour. Il n’y a rien qui soit filmé durant la nuit ou au petit matin. Il n’y a pas non plus de vidéos en ligne de témoins oculaires ayant filmé la «frappe sur la colonie», pas plus que de vidéos montrant le personnel de la colonie impliqué dans l’extinction de l’incendie sur le terrain.
De plus, les représentants pro-russes des territoires occupés envoient des messages contradictoires concernant le personnel de la colonie pénitentiaire. A titre d’exemple, une représentante de la soi-disant République Populaire de Donetsk, Darya Morozova, a précisé (00 :50 de vidéo) que : «heureusement, aucun gardien n’avait été tué ni blessé». Mais le ministère russe de la Défense assure que «huit employés du centre de détention sont blessés à des degrés divers». Cette incohérence dans les versions fait douter de la pertinence de l’accusation. Indirectement, un tel décalage au sujet des employés de la prison confirme leur absence sur place lors de l’explosion.
Il convient également de préciser que les soldats ukrainiens prisonniers ont été transférés dans un édifice de la zone industrielle de cet établissement pénitentiaire juste avant les événements. Et ce jour-là, ils ont également été laissés sans surveillance. Le propagandiste Rudenko est à nouveau l’un des premiers à publier des images «d’un édifice presque entièrement détruit montrant plusieurs cadavres». Un autre signe a paru étrange, à savoir la fumée que l’on voit sur la photo réalisée 12 heures après le bombardement.
En même temps, la destruction à l’intérieur du bâtiment est minime. Il n’y a pas de cratère de missile. Les lits restent encore intacts. Les murs des baraquements sont carbonisés mais le bâtiment n’a pas souffert de tirs d’artillerie.
Le mince toit métallique a résisté à l’impact des soi-disant missiles HIMARS, contrairement à toutes les lois de la balistique, c’était précisément ce toit que les propagandistes interdisaient de filmer.
Dans la vidéo de la scène de crime, les corps des victimes sont disposés de façon chaotique mais une vidéo qui est apparue plus tard, les montre d’une autre manière, placés en une seule ligne côte à côte, ce qui permet de les filmer plus facilement. On voit également de nombreuses personnes portant des vestes et des casques bleus filmant les corps et les effets de la destruction.
Toutefois, malgré tous leurs efforts, les propagandistes ne parviennent pas à transformer les mensonges en vérités.
Le ministère ukrainien de la Défense, la Direction principale des renseignements, le Service de sécurité de l’Ukraine et le commissaire parlementaire ukrainien aux droits de l’homme ont publié une déclaration conjointe en rapport avec les événements d’Olenivka. Ils ont qualifié les actions de la Russie «d’acte cynique de terrorisme» et ont également déclaré que la partie ukrainienne n’avait pas lancé de «frappes de missiles ou d’artillerie sur Olenivka». Kiev a également accusé l’armée russe d’être à l’origine de ce «bombardement d’artillerie ciblé» et d’avoir commis « le meurtre organisé de prisonniers de guerre ukrainiens ».
Le Service de sécurité de l’Ukraine a produit des conversations téléphoniques interceptées dans lesquelles les occupants confirment que l’armée russe est responsable de l’explosion dans la prison d’Olenivka. En se basant sur les conversations des militants, les Russes pourraient avoir organisé la tragédie à l’aide d’explosifs, qu’ils ont déployés à l’intérieur de la colonie pénitentiaire. Le fait qu’aucun des témoins oculaires n’ait entendu des missiles lancés en direction de l’édifice, peut confirmer cette version. Il n’y avait pas de sifflement caractéristique, et les explosions ont dû se produire « toutes seules ».
Les conversations interceptées confirment que les occupants ont déployé leurs lance-roquettes «Grad» non loin de l’établissement pénitentiaire et ont commencé à tirer vers le territoire sous contrôle ukrainien. Mais les représentants des autorités pro-russes des territoires occupés ne constatent aucun bombardement «en représailles».
Le Service de sécurité de l’Ukraine a également précisé, en se basant sur la vidéo accessible en ligne, que des fenêtres dans certaines pièces de l’édifice étaient entièrement intactes. Cela indique que l’épicentre de l’explosion était situé à l’intérieur du bâtiment détruit et que ses murs ont « étouffé » les ondes et l’effet de souffle de la déflagration et ainsi préservé les locaux voisins.
Un analyste, Kiril Danilchenko, a également attiré l’attention sur la nature des dégâts car ils ne correspondent pas à ceux laissés par des missiles HIMARS. Les images montrent des dommages caractéristiques de projectiles thermobariques. Des corps sont carbonisés, mais les lits métalliques sont complètement intacts.
Les missiles présumés étaient supposés venir de l’ouest, mais la frappe a touché et endommagé le toit du côté est. Selon toute probabilité, elle est venue de l’est, où il y a de l’espace libre (partie droite de la photo – ndlr). Danilchenko suggère que c’était un lance-roquette à munition thermobarique «Shmel» (communémant appelé «bourdon» du russe «шмель»).
L’institut américain pour l’étude de la guerre (ISW) a également conclu que les conséquences de l’explosion d’Olenivka n’étaient pas typiques de celles produites par des lance-roquettes HIMARS.
«Les médias pro-Kremlin diffusent des vidéos du centre de détention montrant des dommages par le feu visibles. Ils ne ressemblent pas au type de dommages que le système HIMARS auraient pu causer», indique le rapport de l’ISW.
Selon l’Institut pour l’étude de la guerre, les fragments présentés par la partie russe ne pouvaient pas être considérés comme preuves. «RIA Novosti a également publié des images de fragments de missiles HIMARS, mais n’a pas fourni de preuves que ces fragments aient été trouvés à Olenivka», indique le rapport de l’organisation.
StopFake a trouvé les publications montrant des fragments de missiles HIMARS. Mais il n’est pas possible d’indiquer la localisation de l’impact et le moment de la frappe. Et surtout, il est impossible de prouver que les fragments présentés sur la photo appartiennent à la même munition.
Les mêmes photos ont été utilisées pour illustrer la «destruction par HIMARS du chemin de fer dans la région de Zaporijjia». C’était trois heures après la publication des images des fragments de roquettes provenant prétendument d’Olenivka. Ces photos ont été publiées sans préciser que ces images auraient été téléchargées à partir d’archives.
Il est temps de présenter le bilan. Les propagandistes russes se préparaient depuis deux mois à la destruction de la prison d’Olenivka. Mais en fin de compte, ils se sont égarés dans leurs propres mensonges. Premièrement, ils ne pouvaient pas décider si le bombardement avait été produit avec des obusiers ou avec des HIMARS. Puis, ils se sont embrouillés dans le nombre de gardiens blessés au cours du bombardement. Et y avait-il des employés sur place? La nature de la destruction a montré que le bâtiment avait été bombardé du côté contrôlé par l’armée russe, et non par les forces armées ukrainiennes. Et la «frappe à l’aide d’HIMARS», inventée par les propagandistes, était si faible qu’elle n’a même pas détruit le toit et n’a pas déplacé les lits métalliques. De plus, il n’a pas été possible de prouver que les fragments de roquettes disposés sur le banc avaient été tirés par la partie ukrainienne. Les «accusations» russes ne tiennent pas debout, malgré toutes sortes d’éléments produits.