Les déclarations sur la saisie présumée par la Pologne de l’infrastructure énergétique de l’Ukraine dans le but de « poursuivre l’occupation des régions occidentales du pays » ne sont rien de plus qu’une nouvelle fausse information de la propagande russe. En fait, il s’agit de la restauration de la ligne de transport d’électricité qui va de la centrale nucléaire ukrainienne de Khmelnytsky à Rzeszów, en Pologne, grâce à laquelle l’Ukraine pourra à l’avenir exporter jusqu’à 1,2 GW d’électricité excédentaire vers l’Europe. Selon le Premier ministre ukrainien Denys Shmyhal, l’Ukraine pourra ainsi engranger plus de 70 milliards de hryvnias par an pour l’exportation d’électricité vers l’Europe.
Les médias russes diffusent de fausses informations selon lesquelles la Pologne aurait l’intention de prendre le contrôle de l’infrastructure énergétique des régions occidentales de l’Ukraine. À cette fin ont commencé des travaux de restauration pour la mise en place d’un système énergétique unique entre la Pologne et l’Ukraine sur la partie de la ligne Rzeszów-Khmelnytsky.
«Les Polonais ont depuis longtemps des plans pour toutes les ressources de ces territoires de l’Ukraine qu’ils veulent annexer. Quant au système énergétique, ils peuvent le prendre en compensation», écrivent certains «médias» russes.
Cependant, il n’est pas question d’un quelconque contrôle de la Pologne sur les infrastructures énergétiques de l’Ukraine. Il s’agit d’une autre manipulation de la propagande du Kremlin dans le but de saper les relations amicales ukraino-polonaises. Nous vous expliquons pourquoi.
La ligne aérienne qui va de la Centrale Nucléaire Khmelnytska à Rzeszów est une ligne de transport d’énergie à ultra haute tension de 750 kilovolts entre l’Ukraine et la Pologne, mise en service en 1985 pour assurer le fonctionnement du système énergétique Mir. En 1992, après l’effondrement de l’URSS et la déconnexion de la Pologne du système énergétique Mir, cette ligne a été mise hors service et est restée inutilisée pendant longtemps. Les premiers projets relatifs à sa restauration ont été annoncés bien avant l’agression russe contre l’Ukraine, à savoir dès 2010. En mars 2015, l’entreprise publique ukrainienne Energoatom, exploitant de toutes les centrales nucléaires qui fonctionnent en Ukraine, et l’entreprise polonaise Polenergia International ont annoncé leur intention de coopérer pour restaurer cette ligne dans le cadre de l’Ukraine-EU Energy Bridge. Avec ce projet, l’Ukraine aurait la possibilité d’exporter de l’électricité vers l’Europe. Il était prévu de retirer l’une des unités de puissance de la centrale nucléaire Khmelnytska du système énergétique de l’Ukraine et de l’introduire dans le système énergétique de l’Europe. Le projet a suscité l’intérêt des deux côtés : la Pologne était intéressée par l’achat d’électricité ukrainienne comme alternative à la production thermique au charbon, qui était soumise à des quotas importants pour la combustion du charbon. L’Ukraine, à son tour, pourrait utiliser les capacités existantes de la centrale nucléaire sans restriction et recevoir des fonds supplémentaires pour l’achèvement des troisième et quatrième tranches de la centrale Khmelnytska.
Depuis 2017, l’Ukraine met en œuvre un projet d’intégration complète de son système énergétique dans le système énergétique européen ENTSO-E, avec l’exploitation active de la ligne Khmelnytska – Rzeszów. Le 16 mars 2022, le gouvernement ukrainien a déclaré que le système énergétique ukrainien fonctionnait en synchronisation avec le réseau continental européen ENTSO-E et faisait désormais partie de l’espace énergétique européen. Depuis le 30 mars, l’exportation d’électricité de l’Ukraine vers la Pologne a repris dans un mode limité (une ligne spéciale pour une région distincte) et en mai elle a repris vers la Moldavie. À l’heure actuelle, les travaux de restauration de la ligne Khmelnytska – Rzeszów se poursuivent.
Maciej Zaniewicz, un analyste polonais du centre Forum Energii, dans un commentaire pour Gazeta Prawna, a noté que le lancement de cette ligne augmentera la capacité de la connexion polono-ukrainienne de 210 MW actuels à plus de 1,2 GW. Selon lui, si nécessaire, elle peut également être utilisée pour transporter l’électricité ukrainienne plus à l’ouest. Il a noté en outre qu’en raison de la chute de la demande intérieure causée par la guerre, avant les frappes russes à grande échelle sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes, l’Ukraine disposait d’un important excédent de capacité de production. Enfin, l’électricité ukrainienne est plus de trois fois moins chère que la polonaise.
L’expert en énergie Paweł Poncyljusz a déclaré que pour la Pologne, lorsque le pays commencera à manquer sérieusement d’énergie après 2025 en raison de la fermeture de certaines mines de charbon, importer de l’énergie d’Ukraine « deviendra une nécessité et une opportunité incroyable ».
L’Ukraine a déclaré à plusieurs reprises qu’elle était prête à accroître ses exportations d’électricité. Son potentiel, selon le Premier ministre ukrainien, est de 2,5 GW, voire plus. Dans ce cas, l’État pourra percevoir plus de 70 milliards de hryvnias par an.
C’est la Russie, et non la Pologne, qui constitue une menace pour la sécurité énergétique de l’Ukraine. À l’heure actuelle, l’infrastructure énergétique ukrainienne subit d’énormes pertes en raison des attaques russes massives. Le 19 octobre, le conseiller ukrainien du ministre de l’Énergie, Oleksandr Kharchenko, a déclaré qu’environ 40 % des infrastructures énergétiques de l’Ukraine étaient gravement endommagées. Le 27 octobre, après une autre attaque, le chef adjoint du cabinet du président, Kyrylo Timochenko, a annoncé qu’une situation d’urgence en matière d’approvisionnement en énergie s’était produite dans la ville de Kyiv ainsi que dans les régions de Kyiv, Jytomyr, Tcherkassy et Tchernihiv.
StopFake avait déjà démenti de fausses informations selon lesquelles la Pologne aurait lancé une « mobilisation cachée » pour s’emparer des régions occidentales de l’Ukraine.