La réalité: Les enquêtes indépendantes menées par Amnesty International et l’OSCE démentent la version propagandiste sur l’explosion de l’intérieur du bâtiment par l’armée ukrainienne. Selon les conclusions d’Amnesty, c’est l’armée russe qui a délibérément attaqué le théâtre. Il est probable que ce sont deux bombes de 500 kg larguées par un avion russe qui ont détruit le bâtiment. Le nombre précis de victimes n’a pas été déterminé. Les 12 morts représentent uniquement les victimes identifiées par les experts d’Amnesty International, les autres corps restent non-identifiés.
La Russie continue de faire des efforts pour masquer ses crimes de guerre commis sur le territoire ukrainien. Récemment, le «parquet de la « République populaire de Donetsk » (RPD)» a publié ses «conclusions» sur le tir sur le théâtre lors des combats à Marioupol. Il «dément la version d’une frappe aérienne» et «prouve», d’après les médias russes, que l’explosion a eu lieu à l’intérieur du bâtiment. Par ailleurs, la RPD prétend que les restes de 14 personnes ont été identifiés sur le lieu de l’explosion, et que l’information selon laquelle la frappe aérienne aurait fait 300 victimes «est un mensonge et une falsification».
Dans la région de Donetsk temporairement occupée, on «a exclu» toute frappe aérienne russe sur le bâtiment du théâtre dramatique de Marioupol en disant que lors de la démolition des ruines, «aucun morceau de bombe aérienne ou d’autre munition n’a été trouvé».
«Nous en concluons qu’un dispositif sans coque a probablement explosé à l’intérieur du bâtiment». Les propagandistes diffusent aussi un faux affirmant que «les nationalistes ukrainiens» ont aménagé des positions dans le bâtiment, certains témoins «affirmeraient» même que, quelques jours avant l’explosion, des personnes en uniforme militaire auraient amené à l’intérieur des caisses contenant probablement des explosifs, considérés dès lors comme la cause probable de l’explosion.
La déclaration du «parquet de la RPD» n’est qu’une tentative de masquer les crimes de guerre commis par l’armée russe contre la population civile de Marioupol, ce qui est confirmé par l’enquête des organisations internationales Amnesty International, Human Rights Watch et l’OSCE, ainsi que par les données publiées par les autorités locales.
Qui a effectué la frappe?
Le 30 juin, l’organisation internationale de protection des droits de l’homme Amnesty International a publié sa propre enquête sur le bombardement du Théâtre dramatique de Marioupol sous le titre «“Children”: The attack on the Donetsk Regional Academic Drama Theatre in Mariupol, Ukraine [Enfants : l’attaque du Théâtre académique régional d’art dramatique de Marioupol] ». Lors de l’enquête, les experts d’Amnesty ont analysé 53 témoignages de rescapés, les photos satellites du bâtiment, les données des radars enregistrées juste avant et après l’attaque, les photos et les vidéos des archives des témoins publiées sur les réseaux sociaux et deux dossiers des plans de masse du théâtre.
«Après quelques mois d’une enquête détaillée, l’analyse des photos satellites et les entretiens avec des dizaines de témoins, on a conclu que cette attaque est sans doute un crime de guerre commis par l’armée russe», déclare la secrétaire générale d’Amnesty International Agnès Callamard.
L’équipe de réaction à la crise d’Amnesty International a conclu que « l’attaque a très probablement été menée par un avion de combat russe, qui a largué deux bombes de 500 kg chacune».
Amnesty International a étudié plusieurs théories alternatives pour identifier le responsable et le type d’arme probablement utilisé: soit un missile de croisière, soit un autre type d’arme. Selon les témoignages recueillis au cours de l’enquête, il a été finalement conclu que la frappe aérienne ciblée sur un bâtiment civil est une explication réaliste de ce qui s’est passé.
Au moins trois témoins ont confirmé qu’ils ont entendu le bruit de l’avion et des bombes qui tombaient. L’analyse des photos satellites, ainsi que des photos et des vidéos prises suite à la frappe montrent que les missiles explosifs ont percé le toit dans la partie est du théâtre et ont explosé dans la salle de spectacle, probablement au niveau de la scène. En coopération avec un physicien, les experts d’Amnesty ont élaboré un modèle mathématique de la détonation qui expliquerait la théorie de deux bombes aériennes larguées sur le bâtiment du théâtre.
Est-ce que des militaires ukrainiens étaient présents dans le bâtiment du théâtre?
Quelques jours avant la frappe aérienne, la propagande du Kremlin a commencé à diffuser une fausse information affirmant qu’un groupe du bataillon Azov s’était installé dans le bâtiment du théâtre dans l’intention de le miner. Maintenant cette version est alimentée par de nouveaux détails :la propagande du Kremlin affirme qu’aucun vestige de bombe aérienne n’a été trouvé sur les lieux, et que certains témoins auraient vu, la veille du 16 mars, des militaires ukrainiens apportant des caisses d’explosifs à l’intérieur du bâtiment .
Mais ce n’est pas vrai.
Amnesty International dit que сe bâtiment est une infrastructure civile, le théâtre était utilisé comme centre de distribution de médicaments, de produits alimentaires et d’eau. C’était également un point de rencontre des personnes espérant être évacuées par des convois humanitaires. Dans la cour, devant et derrière le bâtiment, le mot « ENFANTS » avait été écrit en lettres géantes, visibles depuis le ciel pour les pilotes russes et sur les photos satellites.
La version russe sur l’explosion dans le théâtre par des militaires ukrainiens ne résiste pas à la critique. Les analystes d’Amnesty International ont calculé que pour une telle explosion, il faudrait au minimum 400 à 800 kg d’explosif, ce qui représente un volume d’environ un mètre cube. En prenant en considération le caractère des dommages du théâtre, cet explosif aurait dû se situer sur la scène ou au-dessus d’elle. Mais dans ce bâtiment, y compris dans la salle de spectacle, des centaines de personnes avaient trouvé abri, il était donc impossible d’y cacher un tel volume de TNT.
De plus, aucune des 28 personnes rescapées, interrogées par Amnesty, ni les autres témoins qui se trouvaient autour du théâtre au moment de l’attaque n’ont indiqué que des militaires ukrainiens l’utilisaient comme base pour mener des opérations ou des attaques, ni comme entrepôt d’armes.
Le 13 avril, l’OSCE a publié un rapport sur l’attaque aérienne du théâtre de Marioupol qui ne contient aucune confirmation sur le fait que des militaires ukrainiens étaient installés dans le bâtiment ou qu’il était miné par le bataillon Azov. L’OSCE a déclaré que l’attaque aérienne sur le théâtre dramatique était «une violation très grave du droit international humanitaire ».
Nombre de victimes
Tout de suite après l’explosion, les autorités officielles de Marioupol ont déclaré que les quelques centaines de personnes qui se cachaient dans le théâtre étaient mortes. Le 16 mars, juste quelques heures avant l’acte terroriste, l’ONG Human Rights Watch a interrogé plus d’une dizaine d’habitants de Marioupol évacués la veille vers la ville de Zaporijjia. Deux personnes interrogées ont parlé de civils se cachant dans le sous-sol du théâtre. Une femme médecin interrogée a dit qu’elle avait visité le théâtre quelques jours avant son départ et qu’il y avait entre 500 et 800 civils. Une autre personne qui, deux semaines avant son départ, apportait des repas, de l’eau et des médicaments dans les abris partout dans la ville, a dit qu’il avait visité plusieurs fois le théâtre et qu’il y avait entre 500 et 700 civils.
Néanmoins, Amnesty International affirme que les témoignages reçus de plusieurs sources ne permettent pas de définir le nombre exact de personnes qui se trouvaient dans l’abri anti-bombes du théâtre au moment de l’attaque. Les témoins survivants ont fourni des données approximatives allant de 300 à 400 personnes au moins, à plus de 1000 au plus.
L’organisation suppose qu’au moment de l’attaque dans le théâtre il y avait moins de personnes par rapport à ce qui avait été annoncé avant. Il est probable que nombre d’entre elles avaient pu quitter la ville du 14 au 16 mars quand les «couloirs verts» étaient ouverts. Les preuves collectées par Amnesty International montrent que la majorité des personnes restées dans le théâtre pouvaient se trouver dans les endroits les plus sécurisés du bâtiment. Ce sont les personnes qui étaient à la cuisine en plein air et directement sur la scène et les premiers rangs de la salle de spectacle qui ont probablement été grièvement blessées ou tuées.
Suite à l’interrogation de 28 personnes qui étaient dans le théâtre au moment de l’attaque, y compris les six personnes qui ont vu l’explosion de loin, et de huit personnes qui sont venues dans le théâtre après l’attaque, Amnesty International a conclu «qu’au minimum une douzaine de personnes étaient mortes, mais certainement beaucoup de victimes ne sont pas prises en compte».
Plusieurs témoins ont raconté à Amnesty qu’ils ont vu des corps ensanglantés et des parties de corps coupées, dont des membres, dans les ruines du bâtiment après l’attaque. Une des personnes interrogées a dit qu’elle avait visité le théâtre une semaine après l’acte terroriste et avait discuté avec un secouriste de la «RPD» qui lui avait dit que les équipes trouvaient chaque jour les restes d’environ 3 ou 4 personnes.
L’organisation souligne que dans cette situation, il est difficile de calculer le nombre approximatif de victimes. Après l’attaque aérienne, la police et les services de secours n’ont pas eu d’accès sécurisé au bâtiment. Ils n’ont pas pu non plus commencer la recherche de survivants à l’aide d’équipements lourds. De plus, les militaires russes avaient pris le contrôle de ce quartier et empêchaient l’accès du bâtiment aux journalistes indépendants et aux civils. Le conseiller du maire de Marioupol, Petro Andruchchenko, a aussi indiqué que les services de secours de Russie et de la « RPD » avaient délibérément omis de mobiliser les habitants de Marioupol pour la fouille des décombres afin de cacher les crimes de guerre commis par l’armée russe.
«Le caractère de l’attaque, le lieu de la frappe à l’intérieur et l’utilisation probable de l’arme aérienne, ainsi que l’absence d’installation militaire officielle montrent que la cible supposée était le théâtre. Cette frappe est donc l’attaque organisée d’une installation civile, ce qui constitue un crime de guerre», – note dans son rapport Amnesty International.
Ce n’est pas la première tentative de la propagande du Kremlin de masquer les crimes de guerre de l’armée russe. StopFake avait déjà démenti de telles infox: «Faux: Les preuves existantes confirment uniquement les crimes des Forces armées de l’Ukraine à Boutcha», «Faux: Les Etats-Unis ont dit que les événements à Boutcha sont la «propagande ukrainienne», «Faux: Les organisations internationales ne veulent pas mener des enquêtes sur la tragédie à Boutcha», «Faux: Les victimes nombreuses parmi la population civile de la région de Kyiv sont truquées».