L’agit-prop russe a utilisé un article de l’édition américaine The American Conservative pour créer un nouveau discours de désinformation. En réalité, l’auteur de l’article, Patrick Buchanan, n’a rien écrit sur le fait qu’aider l’Ukraine est une erreur. Dans son article, le journaliste réfléchit sur les questions qui sera le vainqueur de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, pourquoi une nouvelle guerre froide a commencé et parvient également à la conclusion que les États-Unis doivent consacrer du temps et des efforts pour mettre fin à la guerre.
Le niveau de soutien à l’Ukraine de la part des États-Unis est très élevé, comme en témoignent la récente visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken à Kyiv, ainsi que de nouvelles tranches d’aide militaire.
Un certain nombre de médias du Kremlin ont diffusé l’information selon laquelle les États-Unis ont prétendument reconnu que l’aide à l’Ukraine, ainsi que l’expansion de l’OTAN à l’est, est une erreur. L’agit-prop se réfère à l’article du magazine The American Conservative pour justifier cette infox.
« Selon l’auteur de l’article, ce sont les actions de Washington qui ont provoqué un nouveau cycle de guerre froide avec Moscou », écrit RIA Nouvelles. L’agit-prop répète également le discours standard de désinformation sur l’Alliance: “La Russie a noté à plusieurs reprises que l’OTAN vise la confrontation”.
Une fois de plus, les médias russes ont complètement déformé l’essence d’un article publié dans une édition étrangère et ont tiré leurs propres conclusions, les présentant comme les conclusions de l’auteur. Cette fois-ci, il s’agit du magazine The American Conservative qui a publié un article de son éditeur-fondateur, Patrick J. Buchanan, Winners and Losers in the Ukraine War ( Vainqueurs et perdants de la guerre en Ukraine).
Dans son article, Buchanan réfléchit sur qui peut être considéré comme le vainqueur et qui est le perdant de cette guerre, qui dure depuis six mois en Ukraine [la guerre de la Russie contre l’Ukraine a commencé en 2014 et dure depuis 8 ans, NDLR]. L’auteur écrit que bien que la Russie ait eu du succès dans l’est de l’Ukraine, dans le Donbass et partiellement dans le sud (dans les territoires adjacents à la Crimée), ses pertes ont été énormes. Buchanan souligne également que sur le plan politique la Russie s’est isolée d’une majeure partie de l’Europe et a été soumise à des sanctions sévères. Il récapitule les échecs de l’armée russe, les pertes, et note que « la réputation de l’armée russe en tant que force pratiquement invincible dans toute guerre terrestre en Europe s’est effondrée ».
Quant à l’Ukraine, Buchanan écrit que la guerre contre l’immense Russie et la lutte ukrainienne pour sa liberté, son indépendance et son intégrité territoriale « ont suscité l’admiration de la majeure partie du monde ». Mais, l’Ukraine a néanmoins perdu 20% de son territoire à l’est et au sud, et, selon Buchanan, ne parviendra pas à les rendre avant le début de l’hiver. Il réfléchit en outre sur le fait qu’une nouvelle guerre froide a commencé entre les États-Unis et la Russie, et si cela est dans l’intérêt des États-Unis. L’auteur note que dans la première guerre froide, l’objectif était d’éviter une guerre nucléaire et la destruction des deux nations, et s’interroge sur le succès et l’efficacité de la politique extérieure vu qu’un nouveau cycle de la guerre froide a commencé.
Les médias du Kremlin utilisent une citation de cet article pour étayer leur discours d’une aide « malavisée » à l’Ukraine :
“Lorsque nous avons accepté la quasi-totalité de l’Europe de l’Est dans l’OTAN, c’est nous, et non pas Poutine, qui avons fait de leur indépendance vis-à-vis de Moscou et de leur alliance avec l’Occident la question pour laquelle nous nous sommes engagés à dégénérer.”
La citation originale et complète est la suivante:
“Pendant la première guerre froide, l’Europe de l’Est et les pays baltes ont été reconnus comme satellites de l’Union soviétique. Le communisme leur a été imposé après la Seconde Guerre mondiale. Mais ce n’était pas une raison pour un conflit militaire entre nous. Lorsque nous avons accepté la quasi-totalité de l’Europe de l’Est dans l’OTAN, c’est nous, et non pas Poutine, qui avons fait de leur indépendance vis-à-vis de Moscou et de leur alliance avec l’Occident la question pour laquelle nous nous sommes engagés à entrer en guerre.”
A la fin de l’article, Patrick Buchanan écrit : “Pendant que les Russes et les Ukrainiens s’entretuent dans le Donbass, et que la haine russe envers les Américains grandit, quoi de bon cela apporte pour les Etats-Unis ? Peut-être devons-nous consacrer autant de temps et d’énergie à arrêter cette guerre qu’on passe à essayer de vaincre et d’humilier la Russie, ce qui ne nous apportera pas la paix.”
Ainsi, rien dans l’article ne dit que l’aide à l’Ukraine est une erreur, et Buchanan n’affirme pas non plus que c’est à cause de Washington que la relation entre les pays s’est intensifiée. De plus, Buchanan n’a rien écrit sur le fait que les États-Unis ont cherché à «dégénérer» la situation. L’article original parle de la guerre froide et que le désir des pays d’Europe de l’Est d’être avec l’OTAN et d’être indépendants de Moscou est devenu la question qui a commencé cette guerre froide. Buchanan n’écrit pas que les États-Unis doivent “mettre fin à ce conflit”, car utilisant une telle formulation RIA Nouvelles donne l’impression que ce sont les États-Unis qui ont déclenché la guerre en Ukraine. Le rédacteur en chef de The American Conservative appelle à consacrer du temps et de l’énergie pour mettre fin à la guerre.
Il faut noter que le niveau de soutien américain à l’Ukraine dans la guerre avec la Russie est très élevé, et on ne peut pas parler d’une diminution de l’assistance militaire et humanitaire. Ainsi, la visite inopinée du secrétaire d’État américain Antony Blinken à Kyiv le 8 septembre, a été qualifiée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky d’un signal important et de garantie que l’Ukraine serait en mesure de restituer ses territoires temporairement occupés. Et le Ministère de la Défense des Etats-Unis a publié la liste d’armes qui seront incluses dans la nouvelle tranche d’aide militaire à l’Ukraine, pour un montant de 675 millions de dollars. En particulier, cette nouvelle tranche d’aide militaire comprend notamment des missiles supplémentaires pour les systèmes américains d’artillerie de précision Himars, et quatre obusiers de 105 mm, ainsi que 36 000 munitions pour eux. De plus, selon CNN, le Pentagone prépare une analyse détaillée et élabore un plan de soutien à l’armée ukrainienne à moyen et long terme, y compris après la fin de la guerre avec la Russie.