La réalité: La Commission d’Helsinki a organisé une réunion pour discuter de l’impérialisme russe et de la nécessité de décoloniser la Russie. Il n’a pas été question lors de cette réunion d’organiser la division de la Fédération de Russie. La décolonisation n’implique pas la division d’un Etat, mais le fait qu’une métropole cesse d’exercer un contrôle politique sur des territoires et de les exploiter. La carte montrée pas la télévision russe montrant une fragmentation de la Russie en plusieurs pays souverains n’a rien à voir avec cette réunion. Une image de cette carte était déjà disponible depuis 2021.

Le propagandiste russe Dmitriy Kiselev a déclaré en direct sur la chaîne «Rossia 1», en prime time, que les États-Unis auraient élaboré un plan pour fragmenter la Russie. En particulier, Dmitriy Kiselev a évoqué les activités de la Commission pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) (alias la Commission d’Helsinki des États-Unis), qui aurait élaboré un projet intitulé «Décolonisation de la Russie: un impératif moral et stratégique». Précisons qu’il existe depuis 1976 une agence du gouvernement américain dénommée la Commission pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) qui est chargée de surveiller l’application de l’Acte final d’Helsinki, particulièrement en matière de respect des droits de l’homme.

«A titre indicatif, il y en a aussi une carte où nous sommes coupé en 17 morceaux et fragments», a expliqué Dmitriy Kiselev, montrant à l’antenne cette carte prétendument élaboré par la Commission d’Helsinki des États-Unis. « Il y a des grands fragments – la République de Russie, ou par exemple, la République des Komis, la République de l’Oural. Tous sont marqués comme des Etats séparés. Puis il y a la République de Sibérie, la République de Sakha, la République d’Extrême-Orient. Il y a ensuite les petits États comme la République de Bouriatie, de Touva et d’Altaï. Finalement, de tout petits morceaux, comme des points sur la carte de Russie: les républiques du Caucase du Nord de la Fédération de Russie, la Mordovie, la Tchouvachie (république russe située au centre de la région de Volga-Viatka – ndlr.), la République des Mari-El (république russe situé dans le district fédéral de la Volga – ndlr.), le Tatarstan (république russe située au centre de la plaine d’Europe orientale, approximativement à 800 km à l’est de Moscou, entre les rivières de la Volga et la Kama – ndlr.), le Bachkorstan (république russe située en Oural – ndlr.), la Kalmoukie (république russe située dans la région économique de la Volga – ndlr.), l’Oudmourtie (république de la Fédération de Russie située dans l’Oural – ndlr). Bon, ils se sont assis là comme ça en ronronnant en carnivores sur une carte de la Russie moderne. Visiblement, ils sont énervés par le pays qui les empêche d’instaurer leur domination mondiale. Notre pays, si puissant et pacifique. Le Kremlin comprend cela».

Les médias russes, comme Vesti, Readovka, topwar.ru, Glas et d’autres ont repris cette information, affirmant également que les États-Unis élaborent un projet de division de la Russie.

Capture d’écran – smotrim.ru
Capture d’écran – readovka.news 

En réalité, le site web de la Commission d’Helsinki des États-Unis mentionne bien un événement intitulé «Decolonizing Russia: A Moral and Strategic Imperative» («Décolonisation de la Russie: un impératif moral et stratégique»). Cependant, cela n’a rien à voir avec un «plan de division de la Russie» ou la carte publiée.

Capture d’écran – csce.gov

Bakhti Nishanov, le modérateur de la réunion a précisé que la discussion était consacrée aux causes fondamentales de la brutalité de la politique russe. M. Nishanov assure que cette compréhension va aider «à élaborer des politiques et à imaginer des solutions pour réellement contenir la Russie et créer une paix durable sur le continent eurasien et au-delà».

«L’Ukraine n’est pas la première, et si la Russie n’est pas stoppée, l’Ukraine ne sera pas la dernière», a signalé le modérateur de la réunion. «La Russie a mené des décennies de guerre contre les peuples de Tchétchénie, de Syrie et de Géorgie. Cette agression met également en évidence la question actuelle de l’impérialisme de la Russie à l’intérieur de ses frontières, compte tenu de la prédominance de la Russie sur les peuples autochtones non-russes et dans la mesure où le Kremlin a essayé de réprimer leur autodétermination et leur autonomisation ».

Donc, la réunion organisée par la Commission américaine d’Helsinki a été consacrée à l’impérialisme russe sur son territoire et la nécessité de décoloniser la Russie. Il n’y était pas question de diviser la Fédération de Russie en plusieurs États.

Dans la terminologie des Nations unies, la «décolonisation» désigne la fin d’une relation dans laquelle une métropole cesse d’exercer un contrôle politique sur un autre pays ou territoire et de l’exploiter. Les auteurs de The New World Encyclopedia indiquent que la décolonisation peut se faire par l’indépendance, l’intégration avec un autre État, ou l’établissement d’un statut de «libre association».

StopFake a trouvé un article «Decolonize Russia» écrit par l’un des panélistes, Casey Michel. L’auteur précise que l’histoire de la Russie consiste en une expansion et une colonisation perpétuelle. La Russie est le dernier empire européen et s’oppose aux efforts élémentaires de décolonisation, tels que l’octroi d’une autonomie plus large aux différentes sujets de la Fédération de Russie.

«La décolonisation de la Russie ne voudrait pas nécessairement dire son démantèlement complet, comme l’avait suggéré le vice-président américain Dick Cheney. La recherche d’une décolonisation pourrait s’attacher à la création d’un fédéralisme démocratique promis par la constitution russe. Cela impliquerait que tous les citoyens russes, quelle que soit leur région, puissent enfin voter. En effet, une simple reconnaissance du passé et du présent colonial de la Russie ferait une certaine différence», écrit la chercheuse.

Ainsi, il ne s’agit pas de diviser l’Etat, mais de de mettre fin à la relation de domination entre le centre et certaines régions.

Les propagandistes du Kremlin prétendent également qu’il existe une carte des futurs Etats qui pourraient voir le jour à la place de la Fédération de Russie. Elle aurait été produite pendant les réunions de la Commission d’Helsinki des États-Unis. Cependant, c’est un autre mensonge. Cette carte n’a rien à voir avec cette réunion. Elle ne figure pas sur la page consacrée à la réunion ou sur la vidéo de la discussion.

En outre, cette carte est librement accessible depuis 2021. Elle est par exemple disponible sur Wikipédia sur la page en ukrainien «Division de la Russie». Selon la description de la carte, son auteur est surnommé «Kaiyr» et elle a été créée le 5 février 2021.

Capture d’écran – uk.wikipedia.org

StopFake a déjà réfuté de nombreux faux sur l’agression russe contre l’Ukraine comme, par exemple, les manipulations des déclarations de l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger.