Kissinger n’a pas suggéré que l’Ukraine cède des territoires à la Russie. Il a au contraire fait valoir que pour entamer des négociations de paix avec l’Ukraine, la Russie devait revenir aux positions qui existaient avant le début de la guerre le 24 février 2022.
Les médias russes continuent de manipuler les déclarations de l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger sur l’agression russe contre l’Ukraine. La publication pro-Kremlin Tsargrad affirme que « le vétéran de la politique américaine, Henry Kissinger, âgé de 99 ans, a subi des pressions et a été contraint de se rétracter » lors du Forum économique du mois de Mai à Davos. Les médias russes soulignent que s’adressant au forum de Davos, Kissinger « a proposé que Kiev cède une partie de son territoire à la Russie afin d’arrêter la guerre ». Ils affirment aussi que Kissinger aurait « reconnu la nécessité de la neutralité ukrainienne » qui « devrait être perçue comme l’objectif principal pour résoudre la situation dans le pays ».
Capture d’écran – Tsargrad
Kissinger, qui était secrétaire d’État américain à l’époque de la guerre froide, a fait sensation au Forum économique mondial de Davos en mai de cette année avec son point de vue sur la fin de la guerre de la Russie en Ukraine. Il a noté que « idéalement, la ligne de démarcation devrait être un retour au status quo ante », se référant à une restauration des frontières de l’Ukraine telles qu’elles étaient avant le début de la guerre en février. C’est cette phrase que de nombreux médias ont mal interprétée, a déclaré Henry Kissinger lui-même.
Dans une interview accordée en juillet au magazine Time, Henry Kissinger a expliqué qu’il n’avait pas appelé l’Ukraine à céder une part de son territoire. Il a de nouveau réitéré la nécessité pour la Russie de revenir au statu quo ante. Selon Kissinger, la première étape des négociations entre l’Ukraine et la Russie devrait être basée sur le retour à la situation qui existait avant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie. Afin d’entamer un véritable dialogue, la ligne de confrontation entre l’Ukraine et la Russie doit revenir aux positions qui existaient avant le 24 février. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a également déclaré à plusieurs reprises que la première étape vers l’arrêt de la guerre serait le retrait de la Russie sur des positions qui existait avant le 24 février.
« Je n’ai pas dit que des territoires devaient être cédé. Je voulais juste dire que [la Crimée] devrait avoir un statut distinct dans toutes les négociations. Je suis inconditionnellement pour la liberté de l’Ukraine et reconnais son rôle important en Europe », a souligné Kissinger.
Quant au jugement selon lequel « la neutralité ukrainienne est essentielle pour le monde », les médias russes ont une fois de plus recouru à la technique de propagande classique consistant à sortir une citation de son contexte pour créer une fausse information. La déclaration complète de Kissinger au forum économique de Davos a été coupée par les médias russes, qui ont ajouté leurs propres jugements sur « l’agressivité de l’OTAN » à son discours, pour créer un article manipulateur sur la « nécessité pour l’Ukraine de rester neutre ».
En fait, Kissinger, tout en répondant à une question sur les grands problèmes auxquels le monde est confronté aujourd’hui, a souligné que la guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine pourrait remodeler le monde de manière significative. Parmi les scénarios possibles, il a cité un changement global dans les relations internationales et un retour aux «divisions diplomatiques» similaires à la tension entre les pays occidentaux et l’URSS pendant la guerre froide.
Henry Kissinger a noté qu’il avait auparavant préconisé la neutralité pour l’Ukraine. Cependant, à l’heure actuelle, cette option n’est plus envisageable, a-t-il déclaré.
« Il y a environ huit ans, lorsque l’idée de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN a surgi, j’ai écrit un article dans lequel je disais que le résultat idéal serait que l’Ukraine puisse être constituée comme un État neutre, comme un pont entre la Russie et l’Europe (…). Je pense que cette opportunité n’existe plus aujourd’hui de la même manière, mais elle pourrait encore être conçue comme un objectif ultime » ( vidéo 05:11-06:10 ).
L’ancien secrétaire d’État a également souligné que de véritables pourparlers de paix entre l’Ukraine et la Russie devaient commencer dans les deux mois, avant que la guerre « ne crée des bouleversements et des tensions qui ne seront pas facilement surmontées ». Kissinger a estimé que si les négociations ne commençaient pas à ce stade, « la guerre ne concernerait plus seulement la liberté de l’Ukraine, mais la Russie elle-même ».