La vérité: D’après le décret n°1919 du Cabinet des Ministres, seul le matériel militaire ne pouvant être utilisé dans les activités quotidiennes des troupes en raison de son obsolescence, du non-respect des exigences établies pour son fonctionnement et de l’impossibilité d’une modernisation, est soumis à une vente ultérieure. L’affirmation selon laquelle l’Ukraine vend « des véhicules blindés, des chars, des mitrailleuses, des fusils, des grenades et même des gilets pare-balles » n’est pas vraie. La liste des biens militaires mobiliers des Forces armées approuvée par le Conseil des ministres, pouvant être juridiquement transférée, ne contient pas le type de biens cités ci-dessus. Par ailleurs, le document diffusé sur les réseaux sociaux comporte des erreurs qui indiquent une falsification.
Les internautes diffusent massivement des fausses informations selon lesquelles les forces armées ukrainiennes vendraient des armes aux pays africains. Leur plan, c’est discréditer l’armée ukrainienne, faire croire qu’elle vendrait « des véhicules blindés, des chars, des mitrailleuses, des fusils, des grenades et même des gilets pare-balles » à l’étranger, tout en demandant et en recevant de l’aide.
Alors que l’armée ukrainienne souffre d’un manque d’armes et de munitions, les responsables du ministère de la Défense les vendraient aux pays africains sous couvert d’un « surplus », indiquent les publications mensongères.
Le texte en question contient également une «photocopie» de la réponse du ministère ukrainien de la Défense, qui aurait été soi-disant reçue à l’appel d’un député concernant la vente de biens militaires excédentaires des forces armées ukrainiennes. Ce document prouverait l’ampleur catastrophique de la vente d’armes ukrainiennes à l’étranger. Les champs indiquant à qui et quand la demande a été envoyée sont intentionnellement masqués.
Le document dont il est question dans les publications est le décret du Cabinet des ministres de l’Ukraine du 28 décembre 2000 n°1919 « Sur la procédure de transfert et de vente des biens militaires des forces armées » . Ce document réglemente la procédure de vente des biens qui ne sont plus utilisés par les forces armées ukrainiennes.
Le transfert des biens militaires se fait au travers d’organisations habilitées. Une liste de ces organisations habilitées pour de telles ventes, tant sur le marché intérieur et extérieur, a été publiée sur le site internet du ministère de la Défense d’Ukraine.
Cette liste a été mise à jour pour la dernière fois en 2015. Parmi ces organisations et entreprises mentionnées par le ministère de la Défense d’Ukraine ne figure pas la société « Société scientifique et de production Techimpex » dont parlent plusieurs publications de la presse russe.
Sur le site de cette entreprise, il est indiqué qu’il s’agit d’une société de défense privée, membre de l’ordre de la Défense de l’Etat, dans les intérêts du ministère de la Défense, de la Garde nationale, et du service national des frontières d’Ukraine. Ils sont engagés dans le développement, la production, la réparation, la modernisation et la vente d’équipements et d’armes militaires.
Le site de l’entreprise « Techimpex » mentionne qu’ils sont enregistrés auprès du Service national de contrôle des exportations d’Ukraine comme sujet d’affaires économiques étrangères pour des biens militaires à double-usage. Toutefois, nous n’avons pas réussi à trouver quelque information que ce soit susceptible de confirmer que cette entreprise en particulier est engagée dans la vente de biens militaires du ministère de la Défense.
Sur la période de 2018 à 2020, la procédure de transfert des biens militaires et de leur vente ultérieure ne s’est pas matérialisée.
En 2020, le processus de transfert a été relancé. Sur le site du ministère de la Défense a été publiée une liste des biens militaires susceptibles d’être transférés. En outre, la résolution correspondante a été publiée sur le site du Cabinet des Ministres d’Ukraine.
Dans la liste approuvée par le Cabinet s’agissant des biens des forces armées pouvant être transférées, l’on trouve différents types de biens, allant des moteurs d’avions aux avions eux-mêmes, en passant par les casquettes militaires endommagées par les mites.
Cependant, l’affirmation selon laquelle l’Ukraine vendrait «des véhicules blindés, des chars, des mitrailleuses, des fusils, des grenades et même des gilets pare-balles» ne correspond pas à la vérité. Ce type de biens ne figure pas dans cette liste approuvée par le Cabinet.
Nous publions quelques captures d’écran de cette liste en question pour mieux comprendre les types de biens militaires qui peuvent être transférés et, par la suite, vendus.
Nous rappelons également que depuis le début de la guerre russe contre l’Ukraine, même le matériel militaire qui devait être exporté a été transféré aux Forces armées ukrainiennes et est utilisé dans les combats contre l’agresseur russe. Autrement dit, l’Ukraine utilise toutes ses réserves disponibles.
Le «document» diffusé sur Internet par la propagande pro-russe est de mauvaise qualité, ce qui rend impossible l’analyse détaillée de l’image.
Mais il existe tout de même une preuve de falsification. Malgré la mauvaise qualité de l’image, on arrive à lire que le « document » aurait été signé par «A.Yu. Reznikov», ce qui correspond à l’orthographe du nom du ministre de la Défense de l’Ukraine en russe. Or, l’orthographe correcte en ukrainien est « O.Yu. Reznikov » et les documents officiels sont toujours rédiges en langue d’état, donc en ukrainien.
D’autres détails – tels que l’absence de code-barres ou de code QR et la présence d’une adresse après le nom du député du parlement d’Ukraine – ne sont pas non plus conformes aux règles de présentation des documents au sein du ministère de la Défense de l’Ukraine.
Ci-dessous, nous comparons le « document » diffusé sur Internet par la propagande pro-russe avec la réponse réelle du ministère de la Défense à la demande du député d’Ukraine.
Il convient de noter que l’adresse indiquée dans le document (Kyiv, M. Hrushevsky St., 10) soulève également des doutes.
Ce bâtiment est situé près du bâtiment du Cabinet des Ministres de l’Ukraine. Il fonctionne comme un centre de bureaux avec de nombreux cabinets. Dans ce cas précis, outre le numéro de la maison, l’adresse doit également indiquer le cabinet spécifique où la lettre doit être remise. De plus, cette adresse n’indique pas une bureau publique d’un député.
Enfin, à cette adresse n’est enregistrée aucune réception publique d’aucun député du parlement ukrainien.
Tous ces faits témoignent qu’il s’agit d’un faux.
Ce n’est pas le premier faux analysé par StopFake. Plus tôt, un autre faux «document officiel» avait déjà été diffusé. C’était un prétendu «ordre» du chef du district militaire régional d’Odessa d’équiper des points de tir depuis des bâtiments civils.