Le journal en ligne russe RT.com a récemment tenté de contester le contenu de l’article de Pavlo Klimkine, ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, publié dans le journal «Observador». Le politicien ukrainien explique que l’Ukraine est «le successeur de la Rouss de Kyiv», ou de la Ruthénie, une ancienne principauté, et que la Russie et le Bélarus sont apparu plus tard.
En présentant ses arguments, RT.com recycle des clichés propagandistes, évoquant les Russes et Ukrainiens comme des «peuples frères» et «les tentatives de diviser un seul peuple lié par la culture et la langue». Ils citent même un «expert» qui déclare que la langue ukrainienne est une langue artificielle, créée au temps de l’URSS, ce qui est une fantaisie totale. Bien que la forme littéraire de la langue ukrainienne se soit affirmé seulement à la fin du XVIIIème siècle, suite à la publication du poème de Ivan Kotlyarevskiy «l’Enéide», cette langue était déjà largement parlée bien avant, comme en atteste le folklore médiéval. Le développement de la langue ukrainienne littéraire a été contrarié par la russification forcée et la politique discriminatoire de l’empire russe, puis par les pratiques très vicieuses de l’Union soviétique.
En fait, selon l’Encyclopaedia Britannica, la langue littéraire contemporaine ukrainienne est apparue à la fin du XVIII siècle. L’oeuvre fondamentale du professeur M.Hrusevskyi, «Histoire de l’Ukraine-Rouss» (1897-1902), a pour l’objectif de confirmer scientifiquement l’ancienneté du peuple ukrainien et de sa langue.
Les Russes tentent même de remettre en question l’existence du nom «Ukraine». Ils ont tort. Déjà au XVIIème siècle, un Français du nom de Guillaume Le Vasseur Beauplan (décédé en 1670) a réalisé deux cartes importantes représentant l’Ukraine, qu’il a réalisé selon ses propres observations et ses propres mesures topographiques. En 1651, Beauplan a également publié, en français, «Description d’Ukranie», une importante source primaire d’informations sur l’Ukraine au XVIIème siècle. (1, 2, 3)
Il faut préciser que la capitale de l’Ukraine, Kyiv, est une des villes les plus vieilles en Europe de l’Est, car elle est apparue au Vème siècle. A la fin du IXème siècle, Kyiv était la capitale d’un état émergeant slave de l’est, «Rouss de Kyiv», (à ne pas confondre avec le nom «la Russie», créé de toutes pièces par l’empereur russe Pierre le Grand, pour remplacer le nom plus ancien, «la Moscovie»).
Moscou, la capitale de la Russie actuelle, n’apparaît qu’en 1147 ou 1156, sa fondation est attribué au prince Youri Dolgorouki de Souzdal, un descendant du Grand prince de Kyiv.
Depuis des siècles, les soi-disant «Grands Russes» de «l’Empire Russe» ou de «Moscovie» cherchent toujours à argumenter de leur «ancienneté» en tentant de capter l’héritage ukrainien et en manipulant des faits historiques établis.
Durant des années, sous la domination polono-lituanienne et russe, les Ukrainiens n’avaient pas le poids politique nécessaire pour protéger leur langue maternelle, mais un langage parlé existe bien depuis le Moyen Age. Les oeuvres fondatrices de la littérature moderne sont Eneida d’Ivan Kotlyarevsky et Kobzar de Taras Chevtchenko.
En effet, contrairement à ce que l’on imagine souvent en Russie, l’ukrainien est différent du russe. Ces deux langues slaves, de la famille des langues indo-européennes, sont proches phonétiquement et lexicalement, et écrites en caractères cyrilliques. Il est possible de comparer leur distance lexicale et grammaticale à celle séparant le français de l’espagnol.