Le 12 juillet, la chaîne de télévision russe Channel 1 à diffusé l’interview de Galyna Pyzhnyak, qui se présentait comme une réfugiée de la ville ukrainienne Slavyansk. Elle a rapporté que des militaires ukrainiens, en entrant dans la ville, ont rassemblé tous les résidents locaux sur la place principale et ont prétendument organisés l’exécution publique d’une femme et du jeune fils d’un des miliciens pro-russe. Selon l’héroïne de l’émission, ce garçon aurait été crucifié au tableau d’affichage, et la femme aurait été attachée au char et traîné le long de la rue jusqu’à sa mort. Tout serait arrivé à la vue de la population locale.
Pourtant, il n’existe aucune vidéo ou photo confirmant cet événement. Bien que, selon Galyna, beaucoup de gens ont été les témoins de cette exécution publique.
Yevgeny Feldman, photoreporter pour «Novaia Gazeta», s’est entretenu avec les habitants de Slavyansk (la ville où la crucifixion a prétendument eu lieu). Ils ont nié toute existence d’un massacre d’innocents à leur libération. Il est possible de présenter l’idée essentielle de cette interrogation d’une douzaine de résidents de Slavyansk, à l’aide d’une phrase (à partir de 8 minutes de la vidéo): «Nous n’avons jamais vu ça. Ils n’ont battu personne. Au contraire, ils (ndrl – l’armée ukrainienne) sont venus comme des anges-gardiens, compris?»
De plus, le journaliste russe Timur Olevskiy, de la chaine TV Dojd, qui venait de rentrer de Slavyansk à Moscou peu de jours après l’arrivée de l’armée ukrainienne, a raconté: «Je suis arrivé dans la matinée du 6 juillet sur la place, devant le bâtiment abritant l’administration de la ville. C’était le deuxième jour après l’entrée de l’armée ukrainienne dans la ville. Les gens qui se pressaient vers la place centrale ont attiré mon attention. Les portables ne fonctionnaient pas dans la ville. J’en ai conclu que les gens ont appris la nouvelle à l’aide du bouche à oreille. C’est important de comprendre : si le «garçon crucifié» existait, il serait presque impossible de cacher un tel événement aux habitants de la ville». Dans une vidéo enregistrée à Slavyansk, Olevsky montre ses interviews avec des résidents locaux, qui parlent du comportement poli de l’armée ukrainienne.
Les parents de Galyna Pyzhnyak ont raconté aux journalistes de TSN qu’à leur avis, la fille avait raconté cette histoire pour de l’argent.
La milice de Slavyansk a présenté plus de détails sur Galyna. La femme a porté plusieurs plaintes contre ses proches: par exemple, elle accuserait sa fille de lui voler de l’argent et son mari de la battre.
Les photos et les informations sur les réseaux sociaux montrent que le mari de Galyna travaillait dans le régiment policier des Berkut (ndlr – équivalent des CRS en France) et a ensuite rejoint des milices pro-russes dans le Donbass.
Où se trouvent les origines de ce fake? Les fans de Game of Thrones ont reconnu dans l’histoire de Galyna l’une des intrigues de la série (saison 4). Les autres se sont rappelé de «l’affaire Beilis» – procès contre un Juif, Beilis, il y a cent ans, qui était accusé d’effectuer le meurtre rituel d’un élève de 12 ans. Les médias tsaristes de l’époque ont lancé toute une campagne antisémite contre la communauté juive, affirmant qu’il s’agissait d’un crime rituel. Mais il n’y a pas besoin d’avancer si loin dans l’histoire. Il suffit de lire les notes d’Alexander Dugin, professeur à l’Université d’Etat de Moscou, c’est un politologue et ardent défenseur de la politique du président russe. Quelques jours avant l’apparition du fake sur le «garçon crucifié», le 8 juillet, Alexander Dugin a écrit l’histoire qui a prétendument eu lieu à Slavyansk. Selon Dugin, un homme et une femme ont été attachés à un véhicule blindé et ont été traînés à travers la place. Ainsi, il est possible que le fake du «garçon crucifié» pourrait été inspiré par l’histoire écrite par Dugin.