Source: Yuriy Berschidskiy pour The Insider
La TV russe “Perviy canal” a declaré dans son journal du matin:
«Le métropolite de Boryspil et Brovary Anthoniy nous informe que plus de 50 églises de l’Eglise orthodoxe ukrainienne ont été saisies par les sécessionnistes (l’Eglise orthodoxe Patriarchat de Kiev, ndlr) depuis 2014. Entre mai et août 2018, six attaques des batiments religieux de l’église russe ont eu lieu, mais les poursuites pénales n’ont été engagées que seulement dans deux cas. La mission de surveillance des droits de l’homme de l’ONU est informée. Tout cela s’inscrit dans un contexte politique où les dirigeants politiques du pays cherchent à obtenir l’autocéphalie pour les sécessionnistes. Les représentants des formations ecclésiastiques non canoniques ont déjà déclaré qu’ils souhaitent obtenir la Laure des Grottes de Kiev (Kievo-Pechersk), un important monastère orthodoxe situé à Kiev».
L’auteur du reportage mélange deux accusations complètement différentes : «la confiscation» et «l’attaque contre des bâtiments», en créant ainsi l’impression qu’une grande requisition par la force des biens de l’église russe est en cours en Ukraine.
En fait, l’emploi du terme «confiscation» n’est pas approprié dans cette situation. Selon la législation ukrainienne, c’est la communauté paroissiale qui est la propriétaire de l’église et de tous ses biens. Ils n’appartiennent pas au patriarcat ou à l’éparchie (l’évêché). Et si les paroissiens décident de passer d’une église à une autre, cela n’affecte pas leur droit de propriété. Certes, l’agression russe contre l’Ukraine contribue aux changements d’affiliation. Toutefois, les 50 paroisses qui ont quité l’église russe pour regoindre les orthodoxes ukrainiens ne pèsent pas lourd par rapport au nombre total de paroisses de l’église orthodoxe du Patriarcat de Moscou (EOU-PM), qui est d’environ 12 000.
Il y a des cas où des tribunaux ukrainiens, y compris le Tribunal suprême de l’Ukraine, n’ont pas validé les décisions des réunions paroissiales sur le transfert vers l’Eglise du Patriarcat de Kiev (EOU-PK). Par exemple, cela a été le cas du temple Svyato-Sretensky à Konstantinovka, dans la région de Donetsk (sur le territoire controlé par l’Ukraine).
La Laure des Grottes de Kiev (Kievo-Pechersk) n’appartient à aucune Eglise: légalement, il s’agit d’une organisation indépendante, bien qu’occuppée par des représentants de l’Eglise russe. Une partie du territoire du monastère, la Laure Supérieure, est la propriété de l’Etat et a le statut de monument national historique.
Selon la Deutsche Welle qui cite des chercheurs spécialisés sur les sujets religieux, les moines du monastère sont souvent pro-ukrainiens, et si l’église ukrainienne reçoit l’autocéphalie, la Laure va changer de propriétaire.
Les attaques contre les églises sont un sujet complètement différent. Selon le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme: «L’organisation a constaté six attaques contre des temples de l’EOU-Patriarcat de Moscou. Par exemple, le 5 août 2018, sur les portes d’entrée de trois temples se trouvaient les inscriptions : «Département du FSB». La police a ouvert une procédure pénale dans deux cas sur ces incidents».
Dés lors, le mot «attaque» est employé dans un sens large: dans trois cas il s’agissait d’insultes écrites sur les portes. En principe, il est possible de qualifier ces cas d’après l’article 161 du Code pénal de l’Ukraine («Violation de l’égalité des droits des citoyens en fonction de leur race, leur appartenance ethnique, leurs convictions religieuses, etc»). Mais en réalité cet article s’applique très rarement, ce qui correspond aux recommandations de la Commission de Venise (Commission européenne pour la démocratie par le droit, créée par le Conseil de l’Europe). Selon un rapport de cette organisation, datée de 2008, «L’inclusion des insultes contre les bâtiments religieux dans un certain nombre de crimes n’est pas ni nécessaire, ni souhaitable… Le sacrilège devrait être exclu d’un grand nombre d’infractions».
Source: Yuriy Berschidskiy pour The Insider