Le gouvernement moldave souhaite transformer le pays en une plateforme de coopération. Le ministre des Affaires étrangères, Andrei Galbur, ne veut pas que le pays soit divisé entre pro-Européens et pro-Russes, malgré des fractures idéologiques qui restent assez fortes. Un article d’Euractiv Slovaquie.
Andrei Galbur est ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration européenne, et vice-président du gouvernement moldave.
L’UE a versé plus de 335 millions d’aide à la Moldavie entre 2014 et 2017. De quel œil les Moldaves voient-ils cette aide ?
Cette question frappe au cœur de la communication stratégique. Je crois que l’on peut dire que les Moldaves savent que l’UE est le plus grand soutien des réformes de la République moldave, tant du point de vue financier que du point de vue technique.
Je crois qu’il n’y a aucun domaine de la vie des Moldaves qui n’a pas été influencé par cette aide. Les gens le savent-ils ? Oui, ils le savent, même si nous devrions encore plus leur en faire prendre conscience.
Que fait le gouvernement à ce sujet ?
C’est une question très délicate. Les gens savent que les effets ne seront pas immédiats, qu’ils devront faire quelques sacrifices. Les Moldaves en ont-ils marre de faire des sacrifices ? Oui.
Malheureusement, par le passé certains responsables politiques, sous le couvert du drapeau de l’UE et des réformes, ont mené des activités et des affaires douteuses. Ce sont eux qui sont à l’origine de la perte de confiance en le concept général de l’intégration européenne.
La Moldavie moderne et européenne est clairement définie: tout le monde veut des institutions qui fonctionnent, de bonnes routes, de bons hôpitaux, de bonnes écoles, etc. Et quelle est l’alternative ? À part se tourner vers les Russes et accéder au marché eurasiatique, rien. L’investissement de la Russie en Moldavie n’est qu’une fraction de l’aide fournie par l’UE.
Vous semblez très pro-européen, mais ce n’est pas le cas de tout le spectre politique moldave. Le cabinet présidentiel par exemple, ne partage pas votre enthousiasme envers l’UE. Comment gérez-vous ces divergences d’opinion ?
Pour nous, c’est important d’être pro-moldave. La division entre tendance pro-européenne et pro-russe est un faux problème, utilisé pour manipuler l’électorat.
Par exemple, un pro-Russe approche un agriculteur et dit «si vous votez pour moi, vos pommes seront vendues sur le marché russe aujourd’hui. Si vous votez pour eux, vous attendrez dix ans avant que vos pommes soient considérées comme conformes avec les normes européennes et vendues sur le marché européen».
Pour l’agriculteur, le choix est vite fait. Pourtant, nous essayons d’expliquer à l’agriculteur que développer un produit conforme à certaines normes va de pair avec un investissement dans les technologies, avec du développement. Cela signifie que l’agriculteur à un avenir.
Ce qu’offre l’autre camp est une solution rapide, valable aujourd’hui seulement. Mais il ne vaut mieux pas leur demander ce qu’il va se passer demain, ils ne pourront pas vous donner de réponse.
Pensez-vous que cette division politique crée un environnement politique constructif et aide finalement les citoyens moldaves ?
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. C’est un exercice démocratique. C’est malheureux que dans ce cas, l’institution présidentielle se concentre plus sur la campagne des prochaines élections parlementaires que sur les problèmes des Moldaves.
Notre président a promis d’être le président de tous les Moldaves, même de ceux qui ont voté contre lui. Nous essayons de travailler le plus possible avec son cabinet afin d’identifier des approches communes et de trouver des solutions aux problèmes du pays dans son ensemble. Ce n’est pas facile, mais nous sommes déterminés à continuer sur la voie que nous avons choisie : celle des réformes.
Bruxelles s’inquiète particulièrement de l’influence grandissante de la Russie dans la région. Cette présence renforcée de Moscou influence-t-elle directement les citoyens ?
La télévision russe est présente dans chaque foyer. Il est très difficile d’entre en concurrence avec eux, car ils investissent énormément. Leur contenu médiatique par exemple, est très attractif, même s’ils parviennent à y insérer des éléments de propagande.
Nous ne voulons pas essayer de les rattraper constamment, car nous n’y arriverions pas. Par ailleurs, nous ne voulons pas nous lancer dans de l’anti-propagande.
La présence de la Russie est néanmoins essentielle sur d’autres sujets: les négociations au format 5+2 sur la Transnistrie. L’UE a-t-elle positivement influencé la situation ou estimez-vous que le soutien russe est plus régulier ?
Il n’y a pas de compétition ici. Nous ne voulons pas que la Moldavie fasse l’objet d’expériences ou d’exercices géopolitiques. Le gouvernement veut que le pays devienne une plateforme de coopération pour identifier des solutions.
Si vous revenez sur les conflits territoriaux de l’époque post-soviétique, vous verrez que celui de la Moldavie possède tous les ingrédients pour être résolu assez facilement. Le conflit n’est pas basé sur une division ethnique ou religieuse – il est strictement politique et artificiel. Il doit donc être résolu par des moyens politiques.
Je suis convaincu que le format 5+2 [Moldavie, Transnistrie, UE, Russie, États-Unis, Ukraine et OSCE] est une plateforme unique puisqu’elle implique à la fois la Russie et l’Ukraine, deux pays eux-mêmes engagés dans un conflit. Mais quand il s’agit de la Transnistrie, ils se trouvent sur la même plateforme.
La Moldavie a récemment reçu le statut d’observateur dans l’Union eurasiatique. Cela pourrait-il être un chemin que la Moldavie souhaiterait poursuivre à l’avenir ?
Rappelons que ce pays est une démocratie parlementaire. La Constitution stipule que c’est le parlement qui adopte les lignes directrices de la politique intérieure et étrangère. Puis le parlement charge le gouvernement de les mener à bien.
Nos tâches et priorités sont très claires : nous avons un accord d’association avec l’UE et nous restons engagés sur cette voie. Tout ce qui se passe en dehors de ce processus est purement populiste. Plus important encore, cela ne représente aucune obligation légale pour le pays.
Par: Lucia Yar, translated by Marion Candau
Source: EURACTIV.sk
Illustration: Des enfants s’amusent lors de la journée des enfants à Chisinau, Moldavie. [Dumitru Doru/ EPA]/ EURACTIV.sk