Dans la nuit du 11 au 12 juillet 2022 les Forces armées ukrainiennes ont frappé un dépôt de munitions russe à Nova Kakhovka, dans le sud de l’Ukraine. Des photos et des vidéos démentent la version de la propagande russe selon laquelle il aurait pu y avoir autre chose que des armes sur ce site. Par ailleurs, les résidents locaux ne confirment pas non plus la version donnée par la Russie qui affirme qu’il abritait un « stock de salpêtre ».
La destruction d’un dépôt de munitions russes à Nova Kakhovka, ville temporairement occupée dans la région de Kherson, a posé un sérieux problème à l’appareil de propagande russe: comment l’expliquer? Des nombreuses versions de l’incident ont apparues, chacune plus fantaisiste les unes que les autres. Ces versions visaient à détourner l’attention des lourdes pertes subies par l’armée russe, d’autre part, à utiliser cette frappe comme « preuve » que l’Ukraine est capable de « frapper les siens », car si elle frappe des territoires temporairement occupés, elle les considère déjà hostiles et perdus à jamais. Afin de « raffermir » ce récit, Moscou a même évoqué la nécessité de convoquer une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU « en raison du bombardement de Nova Kakhovka par les forces armées ukrainiennes » et a qualifié cet incident « d’acte de terreur militaire« .
Le Kremlin n’a pas fourni d’explication unique sur ce qui s’est réellement passé et sur l’endroit où l’armée ukrainienne a frappé. Les médias russes ont proposé leurs nombreuses versions en ajoutant des détails.
Ainsi, selon « Izvestiya », « l’un des missiles a touché un stock d’engrais minéraux ». En citant des collaborateurs locaux, le journal affirme que l’armée ukrainienne a « tiré » sur le marché et des bâtiments résidentiels.
Le journal « Moskovsky Komsomolets » et de nombreux autres médias ont écrit qu’un « entrepôt de la ville contenant du salpêtre a été détruit par les bombardements et que l’infrastructure de la ville a été gravement endommagée ». Les médias ont également rapporté qu’un « entrepôt d’aide humanitaire, où 35 tonnes de produits d’alimentation avaient été stockées, a été complètement brûlé ». « Ainsi, les actions des militaires ukrainiens ont placé Nova Kakhovka en situation de catastrophe humanitaire », conclut le quotidien » Moskovsky Komsomolets ».
Un collaborateur local des autorités d’occupation Volodymyr Leontiev a même comparé cette situation aux événements de Beyrouth en 2020, lorsque 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans la zone portuaire avaient explosé et 210 personnes étaient mortes.
Un journal « Russkaya Vesna » et d’autres sources ont écrit que le « centre d’aide humanitaire » avait également été touché alors qu’il était prévu d’y nourrir toute la ville.
Afin de ne pas attirer l’attention sur ce qui a réellement explosé quelques jours après le tir de missile, l’agence de presse russe a insisté sur l’ampleur des dégâts en augmentant les chiffres au fil des jours. Ainsi l’agence TASS a indiqué que « 65 bâtiments, trois usines et presque 250 magasins » ont été endommagés. D’autres médias russes parlaient d’hôpitaux, d’écoles et d’autres infrastructures civiles endommagés. En raison de cette même frappe « quelque 270 personnes ont perdu leur logement », rapporte le média de propagande « Russia Today ».
Cette source présente sa propre estimation des pertes. Ainsi, en se référant aux propos de collaborateurs locaux, RT a rapporté que six enfants « ont été sortis des décombres dans des datchas après la frappe ». Cependant, l’agence n’a fourni aucune preuve vidéo ou photographique du sauvetage des enfants et du déblaiement des décombres.
Par ailleurs, un représentant des « autorités locales », le collaborateur Volodymyr Leontyev, a déclaré « qu’au moins 7 personnes ont été tuées et environ 70 ont été blessées », en ajoutant qu’un « jeune enfant handicapé a été tué à cause de cette frappe ukrainienne ».
« L’information a déjà été confirmée: un grand centre humanitaire se trouvait à quelques mètres du site d’impact du missile, et un enfant handicapé y passait la nuit », a déclaré M. Leontiyev. Il n’a donné ni le nom ni le prénom du mort. On ne sait pas non plus pourquoi c’était un adolescent handicapé qui garderait les entrepôts la nuit.
Des Ukrainiens collaborant avec les forces d’occupation russe ont annoncé plus tard que 2 personnes étaient mortes, 7 étaient portées disparues et 90 personnes avaient été blessées. Dans le même temps, la soi-disant chef-adjointe de l’administration régionale russe de Kherson Kateryna Gubareva s’est rendue à l’hôpital local et a partagé des chiffres beaucoup plus bas, affirmant que 10 personnes étaient hospitalisées, 21 personnes ont eu des soins ambulatoires et avaient été renvoyées chez elles. De plus, le médecin a signalé qu’un enfant était hospitalisé et que son état était satisfaisant.
Le site Internet « Nova Kakhovka City » a également publié un commentaire du directeur du centre médical Yuriy Andrievskyi (celui qui a communiqué avec Gubareva – ndlr) qui a confirmé le nombre de victimes. Il a parlé de 9 personnes hospitalisées et de 20 personnes qui ont reçu des soins médicaux et qui sont rentrées chez elles). « Aucune victime civile n’a été signalée », indique le site.
Autre version des faits données cette fois par les autorités ukrainienne: Serhii Khlan, conseiller du chef de l’administration militaire régionale de Kherson, a rapporté que le 11 juillet un entrepôt de munitions a été détruit à Nova Kakhovka. L’impact du missile sur un dépôt de munitions des occupants russes a été également confirmée par le porte-parole de l’administration régionale d’Odessa Serhii Bratchuk. Le commandement opérationnel « Pivden » des Forces armées ukrainiennes a aussi annoncé la destruction de l’entrepôt.
Les médias locaux, citant les réseaux sociaux, rapportent que la base de munitions abritait un important dépôt de véhicules, des camion-citernes, et environ 200 roquettes pour le système de missiles anti-aériens « Smerch ». Pour cette raison des détonations après l’impact ont également été entendue le lendemain. Il est également confirmé que de nombreuses maisons et magasins à proximité de l’entrepôt ont été endommagées en raison de l’explosion. Les utilisateurs d’Internet partagent des photos de bâtiments dont des fenêtres et des portes sont endommagées.
Selon des résidents locaux, l’impact du missile a eu lieu dans le quartier Bukinskiy près de l’autoroute P-47 Kherson-Nova Kakhovka-Guenicheskiy. Ceci est également confirmé par d’autres sources.
Mais les affirmations des propagandistes selon lesquelles un entrepôt de salpêtre a été touché ne trouvent aucune confirmation. Une recherche Google montre que les entreprises qui vendent ces engrais sont situées à d’autres adresses. Les résidents locaux n’ont pas non plus confirmé la présence d’un entrepôt d’engrais ou d’un entrepôt d’aide humanitaire. Les cartes Google montrent qu’il y avait des stations-service, divers magasins et ateliers de réparation automobile à l’endroit où l’impact a eu lieu.
La détonation de munitions du lendemain infirment également les déclarations de la propagande russe.
Auparavant, les médias russes avaient accusé les forces armées ukrainiennes d’avoir bombardé la centrale hydroélectrique Kakhovska, bien qu’ils aient réfuté par la suite qu’elle a été touchée en remarquant qu’elle « se trouve hors de portée ».
Radio Liberty (RFE/RL) a également comparé les images satellites du service planet.com des alentours de la centrale hydroélectrique Kakhovska avant et après la frappe par le lance-roquettes multiple HIMARS. À en juger par les photos, les ateliers de l’usine d' »Ukrhydromech » (partie supérieure gauche des photos) et un grand hangar identifié par le service wikimapia.org comme étant l’entreprise automobile 16507 (partie inférieure droite des photos) ont été particulièrement touchés par la frappe.
Il convient de noter que le soir du 13 juillet Nova Kakhovka a de nouveau été touchée. Serhii Khlan, député du Conseil régional de Kherson, a déclaré que les entrepôts de munitions et d’obus des troupes russes ont été frappés à nouveau. Dans le même temps, les médias du Kremlin ont déclaré que « le système de défense aérienne russe a réussi à abattre cinq missiles, mais des fragments de deux d’entre eux sont tombés à proximité de l’usine de « Sokil ».