L’exécutif européen a menacé d’introduire une loi sur les fake news d’ici fin 2018 si les géants du net de mettent pas les bouchés doubles dans la lutte contre la désinformation.
La Commission a donné aux plateformes en ligne jusqu’en juillet pour élaborer un code de conduite visant à limiter les fausses informations sur les médias sociaux.
Mais si cette stratégie ne réduit pas la diffusion des campagnes de désinformation et la quantité de faux comptes sur les plateformes, l’exécutif compte légiférer à ce sujet d’ici décembre.
«Il n’y a pas de temps à perdre avant les élections européennes de 2019 », a déclaré Mariya Gabriel, commissaire européenne au numérique, qui dirige la stratégie de l’UE sur les fake news. « Nous devons être particulièrement vigilants et lutter contre les tactiques de désinformation, en particulier celles qui visent les processus électoraux. »
Mariya Gabriel et Julian King, le commissaire en charge de l’Union de la sécurité, ont déclaré lors d’une conférence de presse à Bruxelles qu’ils voulaient éviter une situation semblable à celle des États-Unis avec la diffusion de fausses informations sur les médias sociaux avant l’élection présidentielle américaine de 2016.
Facebook a révélé l’automne dernier qu’une agence liée au Kremlin avait payé pour de la publicité politique sur la plateforme avant les élections américaines.
Avec les élections européennes en ligne de mire, la Commission souhaite que les plateformes en ligne permettent aux internautes de savoir lorsqu’ils ont affaire à des publicités politiques et des contenus sponsorisés. Elles devraient également donner plus d’informations au public sur la façon dont leurs algorithmes ciblent les informations à montrer aux utilisateurs.
La nouvelle stratégie de la Commission sur les fausses informations utilise un langage sévère pour critiquer les plateformes en ligne, mais elle ne propose pas de mesures spécifiques qu’elle pourrait inclure dans une future législation. Selon le document, les fausses informations « reposent sur un manque de transparence et de traçabilité dans l’écosystème des plateformes et sur l’impact des algorithmes et des modèles de publicité en ligne. »
Mariya Gabriel a dit vouloir s’en tenir à une entente volontaire avec les plateformes, qui sont les mieux placées pour lutter efficacement contre les fausses informations.
Facebook utilise déjà l’intelligence artificielle pour détecter les publications diffusant des affirmations incorrectes, et a embauché des «vérificateurs d’informations» en Italie avant les élections de cette année. Après l’entrée en vigueur en janvier d’une nouvelle loi allemande qui réglemente le discours de haine en ligne, le géant des médias sociaux a également embauché des centaines de nouvelles personnes dans le pays pour surveiller les publications des utilisateurs.
La Commission a annoncé qu’elle organiserait une conférence avec les pays de l’UE à la fin de l’année 2018, qui portera sur les « menaces électorales sur Internet ».
Selon un responsable de la Commission, la nouvelle stratégie se concentre sur les «zones grises» juridiques, alors que la loi allemande cible les publications contenant des propos haineux, ce qui est illégal dans l’UE.
Avec ce projet, la Commission tente d’éviter la fragmentation avant que d’autres pays n’introduisent leurs propres lois nationales. La France est également en train de rédiger sa propre loi sur les fausses informations.
« Il est très clair qu’il s’agit d’un problème européen », a déclaré la source européenne.
Selon une récente enquête de l’UE, 83 % des personnes interrogées considèrent les « fausses informations » comme une menace pour la démocratie.
En début d’année, le Parlement européen a également créé une unité spécialisée sur la prévention et la réponse aux fausses informations avant les prochaines élections européennes.
Le BEUC, le bureau européen des consommateurs a reproché à la Commission d’avoir adopté une position trop timide et ne pas avoir ouvert d’enquête formelle sur la publicité politique.
« Les plateformes en ligne se font de l’argent avec des publicités affichées à côté d’articles, de vidéos et de publications contenant des fausses informations », a déclaré Monique Goyens, directrice générale du BEUC.
Facebook et d’autres entreprises de médias sociaux subissent une pression accrue pour deux raisons : leurs modèles d’entreprise basés sur la publicité et le fait qu’elles permettent à des entreprises d’accéder aux données personnelles des utilisateurs afin de les cibler avec des publicités spécifiques choisies en fonction de leurs intérêts et de leur profil. Ce mois-ci, il a été révélé que le cabinet de conseil Cambridge Analytica a recueilli 87 millions de données d’utilisateurs de Facebook et les a analysées sans leur consentement pour le compte de campagnes politiques.
Les révélations de l’année dernière sur la publicité politique avant les élections américaines ont déjà incité les députés américains à adopter une approche plus stricte.
Lors de la conférence de presse du 26 avril, Julian King a fait référence à un projet de loi réglementant la publicité politique dont le Congrès américain discute actuellement. Il obligerait les plateformes en ligne et les médias à révéler comment leurs publicités ciblent des publics spécifiques et combien les entreprises paient pour les publicités.
Le « honest ads act » américain (loi sur les publicités honnêtes) « doit s’attaquer à certains de ces problèmes », comme l’indique la stratégie de l’UE, a déclaré le commissaire. Il a toutefois défendu l’approche volontaire de la Commission.
« Je pense que nous allons dans la bonne direction. Je suis rassuré que les plateformes, en tant que moyen de communication d’une grande partie de ces contenus, comprennent l’importance de faire des progrès, acceptent de travailler avec nous et prennent déjà des mesures dans la bonne direction», a commenté Julian King.
Source: EURACTIV.com