Par Alain Guillemoles
Cette article a été initialement publiée dans La Croix
Le Congrès américain finance une nouvelle chaîne de télévision en russe, et nommée «Heure actuelle». Washington veut ainsi «contrebalancer le point de vue des «médias pro-Kremlin» auprès des habitants de la Russie.
C’est un retour au temps de la Guerre froide sur le terrain des médias. Répondant à la Russie qui a largement investi pour développer sa chaîne en anglais, RT (anciennement Russia Today), les États-Unis annoncent le lancement d’une chaîne en Russe, qui va donc tenter de s’adresser aux citoyens de Russie, mais aussi de tous les pays russophones de l’ex-URSS, pour proposer une perspective contraire à celle du Kremlin.
Cette télévision sera réalisée au sein de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), dont le siège est à Prague, un groupe de radio et télévision entièrement financé par le Congrès américain, et qui avait été créé au temps de la guerre froide.
Radio Free Europe/Radio Liberty émet depuis plus de 30 ans des programmes vers 23 pays en 26 langues. Ses programmes ont longtemps fait une large place aux dissidents anti-communistes, et tentent aujourd’hui de couvrir l’actualité des pays où les médias indépendants sont étouffés par les gouvernements en place.
Heure actuelle
Cette chaîne sera nommée « Heure Actuelle » (« Nastoïachtchee Vremia » en russe) et sera accessible 24 heures sur 24 sur le satellite, comme sur Internet. Voici une courte vidéo (en anglais) de présentation des programmes.
La chaîne est visible en russe en suivant ce lien. Ce lancement intervient alors que les relations entre la Russie et les États-Unis restent tendues. La Russie a été pointée du doigt, aux États-Unis, pour avoir voulu peser sur le résultat des élections américaines en usant de cyberattaques.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui a ouvertement loué la personnalité du président russe, ne s’est pas traduite à ce jour par un réchauffement. Et la création de ce nouveau média risque une fois de plus de provoquer des tensions.
Agacement de la Russie
La Russie, en effet, a déjà montré son agacement. Un présentateur vedette de la télévision russe, Dmitri Kisseliov, a en effet accusé les États-Unis de vouloir faire du «blanchiment d’argent sous prétexte de combat contre la propagande russe», faisant référence à cette nouvelle chaîne.
Le rédacteur en chef d’«Heure Actuelle» Kenan Aliev, interrogé par l’AFP, explique que son objectif est de s’adresser aux citoyens de l’ex-URSS : «Notre ambition, est de gagner un public dans cette région importante, systématiquement bombardée par une énorme quantité de désinformations, de mensonges et de propagande».
La grille des programmes inclut des informations, des documentaires, mais aussi une émission sur la cuisine. Certains programmes sont consacrés aux pays baltes, à la Moldavie et à l’Ukraine, où vivent d’importantes minorités russes. La chaîne dispose d’un budget de 9,5 millions d’euros par an.
Les Occidentaux multiplient les médias en russe
Cette initiative s’ajoute à d’autres qui ont déjà été lancées par de grands médias. Le service en langue russe de la BBC a en effet renforcé ses moyens et créé un nouveau bureau à Riga, en Lettonie, afin d’accroître sa couverture de l’actualité régionale à destination du public russophone.
Pour sa population d’origine russe et contrer les médias pro-russes, la chaîne lettone LTV a créé sa propre station de radio-télévision et un site d’informations en russe.
Riga est aussi devenue un centre pour des médias russes indépendants ayant des difficultés à travailler en Russie, dont le site Meduza géré par d’ex-journalistes du site d’informations Lenta.ru.
En Estonie voisine, la radio-télévision ERR a lancé trois médias russophones. Ses habitants d’origine russe représentent un quart de la population de ce pays de 1,3 million de citoyens.
L’Union européenne a renoncé
De son côté, l’Union européenne a aussi, un temps, envisagé la création d’une chaîne de télévision en langue russe, mais y a renoncé. Elle a créé, en revanche, un bureau qui scrute le contenu des médias russe et relève les inexactitudes, souvent volontaires. Ce site se nomme «Revue de la désinformation» et il est accessible en cliquant sur ce lien. Pour l’heure, il n’est disponible qu’en anglais et en russe.
Par Alain Guillemoles
Source: La Croix