Depuis trois ans, l’équipe de «StopFake Ukraine» analyse, vérifie et dénonce certaines informations venant des médias russes. Des étudiants et professeurs de l’école de journalisme de Kiev se sont donné pour tâche de remédier à la désinformation, au coeur de la guerre de propagande.
«Souris, respire, et fais de ton mieux!» C’est la première fois que Cynthia présente le journal de StopFake.org, un projet de factcheking de la propagande russe. Ses mains tremblent un peu, sa respiration s’accélère sous son chemisier, mais son engagement ne flanche pas. Elle sait pour quoi elle est ici: «Je pense que c’est essentiel de dénoncer les fake news, de lutter contre la propagande et le sensationnalisme dans les médias.»
Cette étudiante américaine est venue en Ukraine avec le programme « Fulbright » pour travailler avec les réfugiés et les victimes de la guerre. Pour elle, participer à StopFake est une manière de contribuer à la résolution du conflit qui déchire le pays depuis trois ans.
Après les quelques encouragements d’Alex Mikhaliuk, le producteur responsable tous les aspects techniques, ça tourne. Chaque dimanche un journal résumant les principales fake news de la semaine est diffusé sur le chaines de télévision régionales ukrainiennes, en anglais et en russe.
Né en 2014, StopFake n’est au commencement qu’un simple site regroupant quelques articles. Puis les membres de l’équipe, tous des journalistes professionnels volontaires, traduisent les contenus. StopFake est aujourd’hui disponible en dix langues différentes sur internet. «Nous avons réfléchi à la manière dont nous pouvions réagir face à la recrudescence de la propagande russe et StopFake a été notre réponse», explique Yevhen Fedchenko, directeur de l’école de journalisme de Kiev, co-fondateur et rédacteur en chef de StopFake.
«On prend des actualités de sources russes et on les vérifie. Quand on voit qu’une information est fausse on la corrige et on explique pourquoi. Depuis notre création, nous en sommes à 1.000 histoires qui sont totalement fausses. On fait aussi une liste exhaustive des médias qui répandent cette propagande et qui permet de comprendre à quel point c’est énorme.»
Créé à l’origine par cinq membres de l’Université de Mohyla à Kiev, le projet compte aujourd’hui 29 associés à travers le monde. Pour des raisons de sécurité, l’identité de la majorité des membres de l’équipe reste secrète. Et c’est aussi pour ne pas prendre de risques que StopFake n’a pas de salle de rédaction. Certains sont dans d’autres pays, d’autres travaillent de chez eux, mais on ne trouve que très rarement ces journalistes regroupés.
Ils ont également créé un programme radio et un journal papier diffusé gratuitement dans les régions de Donetsk et Louhansk une fois par mois. «Ces populations n’ont pas accès aux médias ukrainiens et à notre site internet. On leur explique comment identifier une fake news par eux-mêmes et on développe l’actualité locale du Dombass», explique Yevhen.
En novembre dernier, le Parlement européen a voté une résolution qui condamnait la propagande russe. Une manière de lutter contre ce phénomène, mais sans mesures concrètes. L’initiative de StopFake vient justement sur le terrain des médias qui relaient ses fausses informations pour essayer de les contrer. Et l’initiative peut inspirer d’autres territoires, et notamment les Etats-Unis, où le spectre de la désinformation russe et des «fake news» a entouré l’élection de Donald Trump.
Par Alexis Perché, étudiante en journalisme
Source: Carnets d’Ukraine