Pendant neuf longs mois, Anatoly Poliakov, homme d’affaire et activiste russe originaire de Petrozavodsk est resté en captivité des séparatistes de la République auto-proclamée de Lougansk. Au printemps 2015, il est arrivé dans le Donbass avec une mission humanitaire, mais après sa participation aux négociations sur l’évacuation des enfants grièvement malades et l’échange des prisonniers, il s’est fait kidnapper. On l’a attrapé dans la rue, lui a mis un sac sur la tête, des menottes et enfermé dans une cave. Plus tard, il a été transféré dans une prison du «Ministère de la sécurité d’État» de la République auto-proclamée de Lougansk (LNR). Il a été sévèrement battu et n’est arrivé à s’en sortir que par miracle. Aujourd’hui, Anatoly Polyakov qui a réussi à s’évader de la prison séparatiste suit un cours de réhabilitation et essaie de délivrer ses camarades étant restés en captivité. Il a donné une interview à Radio Svoboda, dont la partie a été traduite en français par l’UCMC.
À Petrozavodsk, vous étiez un homme d’affaire à succès. Pourquoi vous avez commencé à vous intéresser par la politique?
J’ai intégré la politique après les élections législatives quand le parti de Poutine «Russie unie» a fait recours à un nombre des falsifications afin de gagner les élections. Après, il y a eu des événements sur la place Bolotnaya, le «Défilé des millions» et d’autres actions. Une protestation ordinaire a fini par se transférer en une compréhension que ce régime est nuisible pour la Russie.
Vous vous êtes impliqué dans la mission humanitaire à l’est de l’Ukraine. Pourquoi avez-vous décidé de faire сela et comment tout cela était organisé?
Encore à l’époque du Maidan, je participais dans des projets différents ayant pour l’objectif un arrangement pacifique de ce conflit artificiel. Ensuite, avec le soutien du ministère de la Défense d’Ukraine, j’ai fondé une organisation «Corps humanitaire», dont je suis devenu directeur. Son but était la défense des droits des prisonniers de guerre et l’aide précise aux établissements médicaux enfantins restant sur les territoires occupés par les séparatistes. Le 12 mars 2015, les leaders de la «LNR » m’ont invité à Lougansk pour discuter de mon projet. Le 14 mars, nous avons fait une réunion avec les autorités de LNR lors de laquelle nous avons parlé de la transportation des enfants atteints de cancer et de tuberculeuse sur le territoire contrôlé par l’Ukraine, ainsi que la création pour la défense des droits des prisonniers et les civils retenus par les combattants pro-russes.
Revenons-nous à ce jour où vous vous êtes fait prisonnier. Comment cela s’est passé?
Cela est arrivé le 14 mars près de Western Union au beau milieu de la journée. Je suis sorti de cet établissement et d’un coup quelqu’un m’a frappé sur la tête. J’ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillé, je me suis rendu compte que j’étais menotté, avec un sac sur la tête et un canon de Kalachnikov planté contre mon tempe. On m’a traîné jusqu’à une cave, jeté sur le sol en béton et je suis resté ainsi pendant 24 heures. Ensuite, on m’a mis dans un local, les mains et les pieds menottés à un tuyau, j’étais assis sur le sol en béton, le tuyau entre les jambes et les bras. Dans cette position j’ai passé un mois.
Une fois mois passé, on est venu me chercher à la cave et m’ont dit : «Tu es recherché partout, on va te ramener à la ville, t’y abandonner, tu compteras jusqu’à 300 et après tu crieras au secours». On m’a remis le sac sur la tête et avec des menottes m’ont mis dans une voiture et ramené quelques part. J’ai compté jusqu’à 300 et a appelé au secours. Une voiture est arrivée, j’ai entendu des gens parler russe. Ces gens m’ont mis dans une voiture et sans enlever le sac, m’ont transporté dans un autre local. Là, ils ont enfin ôté le sac. J’ai vu deux personnes qui m’ont dit qu’ils étaient les membres de la milice populaire venus de la Russie. Pendant le mois, on ne m’a toujours pas laissé sortir aux toilettes, donc, je sentais mauvais, ils plissaient le nez, mais je m’en foutais.
La première journée, ils étaient sympas avec moi. Dans deux jours, ils se sont mis à faire comme les autres : imiter l’exécution, m’accuser du sabotage, m’humilier, insulter me famille. J’ai rédigé un testament et l’ai les a donné : «J’en ai marre de vous, fusillez-moi tout simplement».
Vous étiez en solitude à la cave et en prison? Vous n’avez pas vu d’autres prisonniers?
Oui, pendant les deux premiers mois de ma captivité, j’étais tout seul. Après on m’a ramené au ministère de la Sécurité d’État ou on ne m’interrogeait plus. On m’a accusé de suite de venir à LNR avec une version de diversion. On m’a accusé d’espionnage, d’intention de kidnapper des enfants etc.
J’ai été mis dans une cellule d’isolement ou j’ai passé 10 jours. Ensuite, on m’a ramené dans un Bureau de Procureur de LNR ou on m’a à nouveau accusé d’espionnage et m’ont dit que j’étais un prisonnier de guerre. J’ai passé un mois et demi dans cette cellule, avant d’être envoyé dans une cave ou j’ai passé plus de 5 mois.
Comment vous étiez traité et dans quelles conditions vous étiez entretenu dans la cave du soi-disant ministère de LNR?
Une cave poussiéreux, les plafonds en calcaire…. au début on m’a mis dans une cellule isolée située au-dessous des toilettes. Il n’y avait qu’une petite table sur laquelle je pouvais dormir en position fœtale. Mes seuls vêtements étaient un pull déchiré et les jodhpurs militaires déchirés. C’est tout. L’absence complète de lumière de jour, d’air frais et de produits d’hygiène. Ma peau est devenue grise comme les murs de la cellule. Je n’étais plus qu’un ombre de moi-même : maigre avec une longue barbe et des longs cheveux gris. Les séparatistes m’ont surnommé «homme de cave». La cellule était plein de smog, la chaleur était insupportable, environs 35-40 degrés. Je me suis allongé par terre près de la porte pour avoir ne serait qu’une bouffée de l’air frais. Les conditions n’étaient pas humaines. La nuit, je rêvais de la nourriture et quand je me réveillé, j’étais prêt à manger du papier pour tuer la faim. Il est très difficile de rester un être humain dans ces conditions. Ils ont fait tous les efforts pour me mettre dans l’état ou on toute frontière entre un homme et un animal s’efface, ils voulaient tuer un être humaine en moi. Ils ont utilisé tous les moyens : la solitude, la faim, les maladies, les humiliations.
Que pensez-vous des LNR et DNR?
Je considère les LNR et DNR comme deux enclaves terroristes ou on peut faire toutes les expériences, faire absolument ce qu’on veut ou il n’y a aucun système juridique. C’est un gros trou noir à travers laquelle partent les milliards de dollars du budget de Russie. Si la LNR et la DNR existent toujours, c’est uniquement en raison de l’appui de l’armée russe.
Selon votre estimation, combien de personnes restent les otages des séparatistes?
Je pense qu’il y en a bien plus que l’information officielle annonce. Une partie est maintenue sur le territoire de ces Républiques, une partie en Russie. Je ne connais pas le chiffre exact, mais je pense qu’il y plus de 200-300 personnes.
Pourquoi les échanges de prisonniers sont constamment rapportés?
Tout d’abord, les prisonniers est le seul moyen pour les séparatistes et Moscou de faire chanter l’Ukraine. Ensuite, dans les prisons de séparatistes il y a bien moins des prisonniers ukrainiens que des séparatistes et leurs collaborateurs dans les prisons ukrainiens. Et pour finir, toutes les décisions sur l’échange des prisonniers sont prises uniquement par Moscou, malgré la position de l’Ukraine qui fait tout son possible pour les libérer.
Source: Ukraine CRISIS media center