La version complète de l’article est publiée sur le site de Meduza. L’UCMC publie une version courte, traduite en français.
En Russie, la police a arrêté Ruslan Sokolovsky, un blogueur russe, originaire d’Ekaterinbourg. Le jeune homme de 22 ans est accusé d’extrémisme et d’attentat aux sentiments des croyants. Le 11 août 2016 Ruslan Sokolovsky a publié une vidéo dans laquelle il joue à Pokémon Go dans la Cathédrale-sur-le-Sang à Ekaterinbourg. Pokémon Go est un jeu vidéo populaire pour les téléphones mobiles, dans lequel des bâtiments et des objets célèbres sont utilisés comme un «domaine de formation». Pour cette vidéo, Ruslan risque 5 ans de prison.
Ruslan Sokolovsky est étudiant en droit à la faculté des sciences humaines de l’Université de l’Oural et c’est un blogueur qui est suivi par 270 000 personnes sur Youtube. Dans ses vidéos, il critique activement l’Eglise, notamment il appelle les prêtres « les héros de bande dessinée» et il s’indigne qu’on enseigne l’orthodoxie dans les écoles, alors qu’on «n’enseigne pas l’évolution dans les églises». Sur une de ses vidéos, il explique : «Nous ne devons pas vivre dans ce pays pieds et mains liés à cause des adeptes d’une secte». En 2016, Sokolovsky a commencé à éditer un journal humoristique pour se moquer de la religion. C’est le fameux «Charlie Hebdo» qui lui a servi d’exemple.
Ruslan avoue avoir voulu réaliser cette vidéo après qu’une chaîne TV russe «Russie 24» a prévenu qu’une poursuite pénale pourrait être engagée à l’encontre de ceux qui chasseront des Pokémon.
La vidéo avec Ruslan pourchassant des Pokémon a fait beaucoup de bruit, même les chaînes TV fédérales lui ont consacré un sujet. «Russie 24» a expliqué aux téléspectateurs que l’attentat au sentiment des croyants était «évident» et a cité un psychologue qui aurait trouvé chez Sokolovsky des signes de troubles mentaux. Une autre chaîne «Ren-TV» a diffusé une émission: «L’expert s’exprime sur l’incident dans la Cathédrale-sur-le-Sang : les Pokémon provoquent des hallucinations». Bien entendu, l’Eglise russe a aussitôt réagi à l’acte de Ruslan : «Les sentiments des croyants sont bafoués. Le plus terrifiant, ce n’est même pas que ce jeune homme est venu à l’église et a appuyé sur les touches de son téléphone, mais qu’il a filmé un reportage au caractère dérogatoire, qui permet de parler de l’Eglise sous une forme désinvolte», a déclaré l’évêque Evgeny (Koulberg) du Moyen-Oural.
Une semaine après la diffusion de cette vidéo, la police a commencé les recherches. Le 19 août 2016, Valery Gorelych, attaché de presse du département du ministère de l’Intérieur de la région de Sverdlovsk, a déclaré que «le service de presse a effectué le suivi et a réussi à trouver cette vidéo pour l’envoyer dans le centre de prévention de l’extrémisme ». Valery Gorelych n’a pas manqué d’exprimer aussi sa position dans cette affaire : «Les joueurs de pokémon de ce genre doivent être envoyés en prison et non pas pour 3 ans comme cela est prévu dans la législation, mais pour au minimum 5 ans, afin de décourager les autres de blasphémer dans des lieux saints».
En conséquence, Ruslan Sokolovsky est mis en cause en vertu de deux articles du Code Pénal de la Fédération de Russie : 282 (appel à la haine) et 148 (actions publiques exprimant un manque de respect évident pour la société et engagées afin d’insulter les sentiments religieux des croyants).
Le jeune homme a été arrêté le 2 septembre, très tôt dans la matinée. Les policiers ont pénétré dans son appartement alors que Ruslan dormait. Lors d’une perquisition, on lui a retiré tout le matériel pour l’enregistrement de ses vidéos, ainsi que toutes les éditions de son journal anticlérical.
Le 3 septembre, la Cour pénale d’Ekaterinbourg a décidé de mettre Ruslan Sokolovsky en cellule de détention provisoire pour deux mois. L’audience s’est déroulée à huis clos: ni les journalistes, ni les supporters de Ruslan n’ont pu entrer. Selon l’avocat, le juge a refusé de libérer Sokolovsky sous caution ou avec une assignation à résidence, sans prendre en compte que l’accusé avait à sa charge sa mère handicapée. En vertu de l’article 282, Sokolovsky risque 5 ans de prison, en vertu de l’article 148 – 3 ans.
Il ne s’agit pas du premier procès en vertu de l’article «les actions publiques exprimant un manque de respect évident pour la société et engagées afin d’insulter les sentiments religieux des croyants» qui a lieu en Russie. En 2013, les membres du groupe Pussy Riot avaient été condamnés à deux ans de prison ferme pour avoir dansé dans la cathédrale du St-Saveur à Moscou. En février 2016, un ancien professeur de l’Université d’Orenbourg avait été condamné à payer 35 000 roubles d’amende pour son article «Méchant Jésus». En avril 2016, le même tribunal qui a condamné Sokolovsky, avait condamné Anton Simakov à suivre un traitement obligatoire, pour un rituel avec une poupée vaudou accompli dans son bureau.
Source: UKRAINE CRISIS media center