La version intégrale de cet article a été publiée sur le blog de Igor Yakovenko, politologue et commentateur russe vivant à Moscou et sur le site StopFake.org. StopFake en Français propose une version courte, traduite en français.
La semaine dernière, les médias russes, contrairement à leur habitude, ont tout à coup cessé de s’intéresser à l’Ukraine. Même le refus par l’Ukraine d’accepter le nouvel ambassadeur de Russie n’a pas provoqué d’hystérie. Ce refus d’accréditer Mikhail Babich était motivé par le fait qu’il est un représentant des forces de l’ordre. Il est connu comme un «silovik», un fidèle de Vladimir Poutine et des services secrets. Babich est devenu célèbre pour ses plaintes contre les journalistes qui ont osé prononcer sans délectation le nom de Poutine. En outre, la Russie a annoncé la candidature de Babich avant d’avoir reçu un agrément de l’Ukraine. Ainsi, la Russie a souligné démonstrativement qu’elle se contrefiche de l’opinion de l’Ukraine. Tout compte fait, cela a entrainé une réponse logique et digne de la partie ukrainienne.
Apparement, l’une des raisons possibles de cette accalmie sur la question ukrainienne est que les «meneurs» principaux se reposent sur les plages des pays de l’ennemi probable. Et on peut conclure que le reste des combattants sur le front de l’information n’ont pas reçu de directives claires de leurs curateurs du Kremlin concernant l’intensité avec laquelle ils sont obligés de cracher dans la direction de l’Ukraine. Donc, ils crachent rarement, sans enthousiasme, plutôt par habitude. Par exemple, les articles anti-ukrainiens composent le tiers de toutes les publications de l’agence de presse RIA Novosti. Mais pour l’instant, l’agence n’a publié aucune saleté attirant l’attention à propos de l’Ukraine.
Ces derniers jours, dans ce contexte, l’Ukraine s’est en revanche trouvé assez présente dans la presse mondiale et la politique internationale.
Les politiciens de la France et des Etats-Unis y ont contribué. La visite en Crimée de parlementaires français, sans avoir consulté Kiev, sous la direction de Thierry Mariani, s’est teminé par un échange de propos très vifs avec le correspondant de l’agence de presse ukrainienne UNIAN à Moscou, Roman Tsimbalyuk.
Le journaliste a demandé si les députés de la Douma devraient demander un visa français pour se rendre en Corse, si jamais se territoire avait été préalablement annexé par la Fédération de Russie.
Le journaliste ukrainien aurait mieux fait d’attendre tranquillement une réponse après avoir lancé une pique. Il est peu probable que même un démagogue expérimenté comme Mariani aurait pu trouver une réponse convainquante.
Au lieu de cela, le journaliste Roman Tsimbalyuk a poussé son avantage. Il a posé une deuxième question à propos des montants que le gouvernement russe aurait offert aux élus français pour qu’ils viennent en Crimée. Cette question a alors servi Mariani. Il a joué l’innocence blessée. Il a qualifié la question du journaliste ukrainien de «question de me**e» et il a exprimé «tout son mépris» envers Roman Tsimbalyuk. Et ensuite, en manipulateur expérimenté, il a demandé, « combien vous êtes payé pour poser ces questions ? »
Le précurseur direct de Thierry Mariani est un homme politique français Edouard Herriot. Le célèbre radical-socialiste français est venu en Ukraine soviétique à l’invitation de Staline. Cette visite a eu lieu en 1933, en plein Holodomor (une épouvantable famine en Ukraine organisée par les communistes, a qui a fait des millions de morts au sein de la paysanerie). On lui a montré des villages Potemkine. Après sa visite il a declaré: «J’ai traversé l’Ukraine. Et bien! Je vous affirme que je l’ai vue tel un jardin en plein rendement. Je catégoriquement démenti les mensonges de la presse bourgeoise à propos d’une famine en URSS». Ce n’était pas une idiotie. C’était une abomination. Herriot n’a pas eu envie de faire un pas loin de la route, celle qui était tracée par les mystificateurs du NKVD, et de voir les cadavres des affamés tombés d’épuisement ainsi que les enfants faméliques.
Quelque 83 ans plus tard, la honte est passée de Herriot à Mariani. Il recopie les textes de la propagande russe et répète soigneusement que le «Maidan, c’est un coup d’Etat organisé par les Etats-Unis», «Poutine a sauvé le peuple de Crimée de l’horreur d’une guerre civile en rattachant ce territoire à la Russie», etc…
Mais contrairement au temps de Staline, et plus encore, au temps de Lénine, le politicien français doit avoir une vision incroyablement sélective, pour ne pas voir ce qui se passe en Ukraine et en Russie dans un siècle où règne l’abondance de l’information. Les raisons de cette séléctivité, on peut les trouver dans sa coopération étroite avec le «tchékiste orthodoxe» et milliardaire Vladimir Yakounine, et avec le député du Parti libéral-démocrate Léonid Slutsky car la fondation de ce dernier a financé le voyage des députés français en Crimée.
Certes, ces «imposteurs chaleureux» qui se sont rendus en Crimée ont différentes motivations. Mais le résultat de leur aventure sera le même que celui de leurs précurseurs. Désormais, leur nom cesseront d’être propre. Au contraire, ils deviendront des noms communs pour dire la trahison et le compromis avec les ennemis de la civilisation.
Source: blog de Igor Yakovenko