L’Assemblée a approuvé jeudi 28 avril une résolution proposée par le groupe Les Républicains, qui se prononce pour la levée des sanctions contre la Russie, en contradiction avec la politique du gouvernement. Quelque 101 députés ont participé au vote de ce texte qui reste consultatif.
Les députés du groupe Les Républicains ont réussi leur coup d’éclat, jeudi 28 avril, à l’Assemblée Nationale, en faisant voter une proposition de résolution contre le renouvellement des sanctions économiques contre la Russie. Le texte était proposé par le député des Français de l’étranger Thierry Mariani, qui avait rassemblé les signatures de 83 autres députés de droite.
Parmi eux se trouvent les habituels amis de la Russie qui ont multiplié ces derniers mois les déplacements à Moscou et en Crimée pour dire leur opposition aux sanctions. C’est le cas de Nicolas Dhuicq, Claude Goasguen ou Jacques Myard. Mais ce projet semble aussi avoir recruté bien au-delà du cercle habituel des amis du régime russe.
Deux heures de débat
Le texte a été adopté par 55 voix contre 44, à l’issue de deux heures de débat. Il a reçu le soutien de 45 élus du groupe Les Républicains, mais aussi des deux élus du Front National, Gilbert Collard et Marion Maréchal-Le Pen, du centriste André Santini, du libéral Jean-Christophe Fromentin, du député Front de gauche François Anseni et même de deux socialistes, Marie-Françoise Bechtel et Jean-Paul Dupré.
Ce texte n’a qu’une valeur consultative, mais vient tout de même affirmer une position contraire à celle du gouvernement et du président de la République.
Article unique
Composé d’un article unique il souhaite, au nom de l’Assemblée Nationale, voir le gouvernement « s’opposer au renouvellement des sanctions prises dans le cadre de l’Union européenne contre la Russie » et « entamer une négociation » pour que ce régime de sanctions soit démantelé.
Ce régime de sanction a été adopté à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, en mars 2014. Puis ces sanctions ont été renforcées alors qu’un avion civil reliant Amsterdam a Kuala Lumpur a été abattu au-dessus de l’Ukraine, causant 298 morts. Les forces séparatistes soutenues par la Russie sont fortement soupçonnées d’avoir abattu cet avion.
En réponse aux sanctions européennes, la Russie a adopté des mesures de rétorsion, décrétant un embargo sur l’importation de nombreux produits alimentaires européens. Dans l’exposé des motifs qui accompagne la résolution, Thierry Mariani insiste sur les dommages économiques pour l’agriculture française.
20 centimes par kilo de porc
Il écrit ainsi : « Les volumes français exportés en 2013 étaient d’environ 70 000 tonnes pour un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros par an. La fermeture de ce marché a entraîné un excédent d’offre disponible sur le marché européen. Le prix d’équilibre du porc vivant s’est abaissé de 20 centimes par kg entraînant une perte sèche de 40 millions d’euros par an pour la filière ».
Il fait valoir que les sanctions sont contraires au rapprochement entre la France et la Russie dans la lutte contre le terrorisme et qu’elles « nuisent aux intérêts économiques français et russes ».
Les sanctions doivent être régulièrement prolongées. La prochaine échéance pour un accord européen sur ce renouvellement intervient en juillet. La position officielle du gouvernement français est que les sanctions doivent être maintenues pour exercer une pression sur la Russie tant que les accords de Minsk ne seront pas pleinement mis en œuvre.
Les accords de Minsk sont ceux qui tentent d’apaiser le conflit dans le Donbass, à l’est de l’Ukraine, où le gouvernement local fait face à une rébellion soutenue par la Russie.
Poutine à Paris en octobre
En principe, tous les Européens sont sur la même position. Mais la France a donné des signes montrant qu’elle serait prête à assouplir sa ligne de conduite. Récemment, en visite à Moscou, le ministre français des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a invité Vladimir Poutine à se rendre à Paris en octobre prochain. Il a ainsi rompu l’isolement diplomatique dans lequel le chef de l’État russe était maintenu depuis l’annexion de la Crimée.
De fait, le gouvernement a laissé faire le vote de cette résolution, qui est pour lui une prise de position du Parlement sans conséquence pour lui. En effet, la Constitution prévoit que le gouvernement peut déclarer un projet de résolution de l’Assemblée Nationale « irrecevable » avant son inscription à l’ordre du jour « s’il estime qu’elle contient des injonctions à son égard ».
Absentéisme important des députés
Pourtant, cette résolution n’a pas été déclarée irrecevable. Au contraire, elle a été inscrite à l’ordre du jour par la conférence des présidents de l’Assemblée. Puis son adoption a été facilitée par l’absentéisme important des députés de la majorité.
Il reste encore à savoir si ce vote est le résultat d’un défaut d’organisation de la majorité ou bien un subtil message politique envoyé à la Russie. En tout cas, le message a bien été reçu, en Russie, où les journaux télévisés se sont réjouis du vote des parlementaires français. Ils y ont vu un net soutien à la personne du président russe Vladimir Poutine et de sa politique « indépendante » vis-à-vis des États-Unis.
Par: Alain Guillemoles
Source: LaCroix
Illustration: le cite en ligne Assemblée Nationale