Le site web Ukraina.ru a publié une information sur la crise des migrants en Allemagne. L’article est intitulé « Politico : Merkel est responsable de la crise des migrants ». Il accuse la chancelière d’être à l’origine de la situation actuelle en prêtant ce jugement à un média réputé, le site Politico. Dans le texte il est fait référence à sa décision d’ouvrir les frontières aux réfugiés, puis de freiner un règlement européen de la crise. Ukraina.ru écrit que la décision erronée d’Angela Merkel de laisser les réfugiés entrer dans le pays peut amener les forces d’extrème-droite au pouvoir en Allemagne et attribue cette analyse à Politico.
L’article publié par Ukraina.ru se réfère à une information venant de l’agence russe RIA Novosti, qui à son tour cite Politico. Mais les trois articles diffèrent considérablement de l’un à l’autre. L’article de RIA Novosti est, en fait, un compte-rendu d’un article paru dans Politico avec la traduction de certains passages, lesquels sont placés dans un ordre différent. Et certaines parties importantes du texte d’origine sont omis.
Le titre de l’agence RIA Novosti diffère ensuite de celui d’Ukraina.ru : « Politico : l’Europe attend un « virage éclair » de Merkel ». L’agence commence ainsi son article : « La crise des migrants s’est aggravée au point au point que l’Allemagne est prête à revenir sur tous ses engagements précédents et à fermer sa frontière sud aux millions de réfugiés », explique le directeur de l’Institut de politique publique mondiale de Berlin Thorsten Benner à Politico » . Autrement dit, Ria Novosti écrit qu’Angela Merkel est sur le point de reconsidérer sa politique d’ouverture.
Néanmoins, l’article original de Politico est différent. En particulier, il contient bien cette déclaration : « La crise des migrants est de la faute d’Angela Merkel ». Mais elle vient d’un professeur d’économie d’Oxford Paul Collier et ne reflète pas la position du site Politico, comme veut le faire croire Ukraina.ru.
Bien que RIA Novosti et Ukraina.ru (lequel appartient à Russia Today) s’efforcent de présenter l’article de Politico comme une critique impitoyable de Merkel, le journaliste, en fait, ne critique pas la chancelière, mais il essaye d’expliquer les raisons de sa politique envers les réfugiés. Il explique les actions d’Angela Merkel par la catastrophe humanitaire en cours : « Merkel est arrivée à la conclusion que l’Allemagne est le seul pays de l’UE qui pouvait fournir une assistance d’urgence : son économie est puissante (cela veut dire, en fait, que le marché du travail allemand peut facilement intégrer des réfugiés), son climat médiatique est favorable et il n’y a pas de mouvements de la droite populiste influents », écrit-il.
L’article dit que la décision de l’Allemagne d’accueillir des réfugiés était une tentative de sauver le reste de l’Europe et a été approuvée par de nombreux commentateurs. Cependant, cette décision a provoqué une vague populiste, en particulier parmi les partis de la droite extrème, qui ont accru leur d’influence. À la fin de l’article, l’auteur souligne qu’Angela Merkel réfléchit aux effets de sa politique: « Peut-être qu’il serait préférable de fermer la frontière bavaroise et d’appliquer le droit allemand et, en accord avec les Règlements de Dublin, d’expulser les réfugiés qui ont traversé la frontière dans les autres pays de l’UE ».
Toutefois, cette citation est très différente de celle donnée par RIA Novosti, où elle est présentée comme si Merkel était sur le point d’agir. Dans l’article de Politico, la citation illustre les réflexions de l’auteur, pas la possible décision d’Angela Merkel.
Il faut en outre noter que la citation « La crise migratoire est la faute de Merkel » de Paul Collier est empruntée à un long entretien avec le professeur paru dans le journal allemand Die Welt. Il affirme que Merkel est coupable de la crise des migrants car ses paroles ont été mal comprises par les réfugiés. Paul Collier recommande à Angela Merkel non pas de fermer les frontières et d’expulser des réfugiés, mais de changer de discours afin de décourager les migrants potentiels. Mais on est très loin du sens que le site Ukraina.ru veut donner à cette phrase.