L’Ukraine a décidé d’évacuer temporairement seize icônes byzantines du musée Khanenko (à Kyiv) vers leLouvre en raison des bombardements russes sur les infrastructures civiles et les sites du patrimoine culturel ukrainien. Le ministère ukrainien de la Culture et de la politique de l’information assure que les icônes reviendront dès que la situation le permettra. Il convient de rappeler qu’en octobre 2022, un tir de missile russe avait endommagé le bâtiment historique et la décoration intérieure de ce musée.
Les médias russes, ainsi que certains internautes, diffusent des informations erronées selon lesquelles l’Occident ferait sortir clandestinement des œuvres d’art d’Ukraine pour, ironiquement, les « préserver de la guerre ». « Le pillage de l’Ukraine par l’Occident se poursuit. Les œuvres d’art ukrainiennes, dont de précieuses icônes byzantines, ont été sorties clandestinement de Kyiv pour être entreposées au Louvre, alors que la guerre se poursuit en Ukraine », indiquent les messages publiées.
Seize icônes byzantines ont en effet été évacuées du Musée Khanenko vers le Louvre, dont cinq sont aujourd’hui présentées dans l’exposition « Aux origines de l’image sacrée. Icônes du Musée national des arts Bohdan et Varvara Khanenko de Kyiv ». Selon le ministère ukrainien de la Culture et de la politique de l’information, des équipes des ministères ukrainien et français de la culture, des spécialistes du Louvre et du musée Khanenko ont entamé une coopération dès 2022. Cela a permis, le 15 mai 2023, dans le plus grand secret, d’évacuer vers la France, via la Pologne et l’Allemagne, sous escorte militaire et sous la supervision directe de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), une partie de la collection nationale ukrainienne.
Il n’est pas question que l’Occident « vole » le patrimoine culturel de l’Ukraine. Le ministère ukrainien de la Culture assure que les icônes reviendront en Ukraine dès que la situation le permettra. De plus, leur évacuation a été imposée par la nécessité. En effet, en octobre 2022, le bâtiment historique et l’intérieur du musée Khanenko ont été endommagés par un tir de missile russe. Bien que les objets exposés aient été mis à l’abri au début de la guerre, les fluctuations de température causées par les dommages subis par le bâtiment et les coupures d’électricité dues aux bombardements russes incessants sur l’infrastructure énergétique de l’Ukraine ont eu un effet dévastateur sur les œuvres d’art.
« Depuis le début de la guerre, comme d’autres musées, nous nous sommes préoccupés de savoir comment nous pouvions soutenir nos collègues ukrainiens. A l’automne, face à l’escalade du conflit, nous avons décidé de procéder à ce sauvetage », a déclaré à l’AFP Laurence des Cars, présidente-directrice du musée du Louvre. Elle a également indiqué que le Louvre « est particulièrement préoccupé par les risques de vols et de trafics qui pourraient affecter les œuvres d’art et les reliques si elles restaient en Ukraine ».
Dans un commentaire à LB.ua, la coordinatrice du projet de coopération entre le musée Khanenko et le Louvre, Olga Apenko, a attiré l’attention sur le fait que l’évacuation des icônes byzantines contribuera non seulement à les sauver de la guerre, mais permettra également aux historiens d’art d’étudier ces œuvres uniques. Le Musée Khanenko possède des icônes datant des VIe et VIIe siècles et provenant d’Égypte, de Constantinople, de Syrie et de Palestine. « Il reste 10 à 20 icônes anciennes de ce type dans le monde. Quatre d’entre elles font partie de la collection du Musée Khanenko. En étudiant l’âge du bois, la composition de la peinture et les impuretés qu’elle contient, nous serons en mesure de les localiser et de les dater avec précision. C’est une connaissance fondamentale, d’où l’importance de la collaboration avec le Louvre. C’est une opportunité extraordinaire », explique-t-elle.
Cinq des seize œuvres transportées en France sont actuellement exposées au Louvre : quatre icônes encaustiques des VIe et VIIe siècles provenant du monastère Sainte-Catherine du Mont Sinaï, et une icône en micro-mosaïque de Constantinople datée fin du XIIIe-début du XIVe siècle. Les autres icônes ont été remises pour restauration.
Rappelons que dans le registre du ministère ukrainien de la Culture figurent 623 objets culturels ukrainiens endommagés ou détruits à la suite de l’agression militaire russe entre le 24 février 2022 et le 15 mai 2023. Parmi eux, 80 étaient d’importance nationale, 484 d’importance locale et 59 venaient d’être découverts. Les analystes estiment que la Russie a volé plus de 15 000 objets d’art et artefacts ukrainiens. Si l’on prend le seul exemple du musée d’art de Kherson, l’agresseur russe y a volé de précieuses icônes des XVIIe au XXe siècles, des sculptures italiennes du XVIIIe siècle, des œuvres d’August von Baier et du maître anglo-néerlandais Sir Peter Lely, des tableaux de Tetiana Yablonska, Mykola Glushchenko, Zinaida Serebryakova, Ivan Aivazovsky et Mikhaïl Vrubel, ainsi que la plus grande collection mondiale d’Alexey Chovkunenko.
L’Ukraine accuse la Russie de violer la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, qui interdit aux Etats signataires, dont l’Ukraine et la Russie, « toute forme de vol » de biens culturels.
StopFake a précédemment réfuté les informations erronées du Kremlin selon lesquelles l’Ukraine aurait pris pour cible ses propres sites culturels et patrimoniaux.