Par Maksym Vikhrov, pour Tyzhden.fr
Le derniers jours, l’attention des médias ukrainiens s’est portée sur la laure de grottes à Kyiv, d’où les moines de l’Église orthodoxe russe devraient être expulsés. Les événements au front, la contre-offensive et d’autres sujets importants ont aussi été activement discutés. Par contre, un événement véritablement historique est passé presque inaperçu: le chef de la soi-disant « République populaire de Louhansk », Leonid Pasitchnyk, a publié un décret « Sur la liquidation des organes exécutifs du pouvoir d’État de la République populaire de Louhansk ». Cela signifie que tous les « ministères », « services », « comités » ainsi que la « milice populaire » cesseront d’exister d’ici le 1er juin de l’année en cours.
Au fond, il n’y a rien là de sensationnel. Après l’annexion, annoncée à Moscou à l’automne 2022, la « république populaire » sera intégrée à la Fédération de Russie, voici tout le secret derrière ces remaniements internes. En réalité, la région de Louhansk était et reste (pour l’instant) un territoire occupé, et peu importe le nom que l’administration d’occupation lui accorde. Mais il y a bien un aspect symbolique qui compte vraiment.
Le 29 mars, le vaudeville séparatiste a pris fin. Il a duré huit longues années – depuis mai 2014, quand le tristement célèbre « référendum » s’est produit dans le Donbass. Vous souvenez-vous de l’ampleur donné à l’évènement par la propagande russe à l’époque ? « L’expression de la volonté du peuple », « la république indépendante », « l’élection du Donbass ». Eh bien, où sont les défenseurs de ce choix maintenant ? Où sont les patriotes de la « petite mais fière république » ? Nous n’avons pas entendu parler de manifestations à Louhansk. Il n’y en aura pas non plus à Donetsk. Voilà, le spectacle est terminée, les acteurs sont partis, les décors sont emmenés à la décharge.
Aujourd’hui est une bonne occasion de rappeler que le séparatisme du Donbass a été créé à l’origine par les élites locales au début des années 1990, et qu’il a ensuite été alimenté par les services spéciaux russes. Cependant, ils n’ont jamais réussi à donner vie à ce golem politico-technologique. Même au printemps 2014, la force de frappe de la rébellion était constituée de militants importés de Russie, la population locale servant principalement de figurants. Une fois de plus, sans l’intervention directe de la Russie, le soi-disant « printemps russe » dans le Donbass se serait calmé avant même de commencer.
Les dirigeants du Donbass, ainsi que les traîtres parmi les fonctionnaires et les forces de sécurité, n’étaient pas du tout guidés par les idées d’indépendance du Donbass. C’étaient des hommes d’affaires très pragmatiques qui ne pensaient qu’au pouvoir et à la richesse. Pour les avoir, ils étaient prêts à entrer dans un complot non seulement avec les services spéciaux russes, mais aussi avec le diable lui-même. Le fait qu’ils aient finalement entraîné une région entière dans l’enfer de la guerre et de l’occupation est vraiment une tragédie. Comme toute tragédie de cette ampleur, elle s’est produite à la suite de la coïncidence de tout un ensemble de circonstances historiques. Mais l’idée d’un État du Donbass était absente parmi eux, tant au niveau des élites que dans l’esprit des masses.
D’où viennent tous ces Mosgovy, Batman, Plotnitsky et autres chefs de « milices » ? La réponse est très banale également. Dans les moments d’anarchie, seule la société civile peut résister au chaos, mais dans le Donbass, elle a toujours été plutôt faible. Par conséquent, quand les institutions de l’État ont été paralysées ou détruites au printemps 2014, une révolution criminelle a eu lieu dans le Donbass, dont l’ampleur n’a pas encore été réalisée. Les gangs agissant sous le couvert d’unités de « milices » se livraient à ce que font les gangs : vols et pillages. Ce que la télévision russe présentait comme un « soulèvement contre la junte » était une émeute de personnes appauvries et de criminels cherchant à profiter de la période d’anarchie. Les plus intelligents (comme Plotnytsky ou Pasiеchnyk) ont compris la situation à temps et ont rejoint l’administration d’occupation. Ceux qui n’ont pas trouvé leur chemin ont été mis au rébus.
Maintenant, la « république populaire » elle-même est devenue un « objet mis au rébus », comme un projet mort-né du Kremlin.
Par Maksym Vikhrov rédacteur en chef du journal Tyzhden
pour Tyzhden.fr