« Les médias occidentaux », représentés par le Financial Times, n’ont pas imprimé la moindre phrase sur un quelconque « enthousiasme pour la tactique du général Sourovikine » dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine. L’expert du Financial Times note certes que le renforcement des défenses de l’armée russe le long de la rive gauche du Dniepr réduit probablement les chances d’une contre-offensive ukrainienne en hiver. Toutefois, d’une part, il ne s’agit que de la période hivernale et, d’autre part, il souligne également que « les analystes militaires occidentaux considèrent toujours qu’une telle percée est possible ». Dans l’ensemble, l’article du Financial Times ne parle pas d’ »enthousiasme », mais des problèmes croissants de l’armée russe. Et l’article qualifie l’invasion de l’Ukraine par la Russie de mauvaise décision prise par « un groupe de vieillards au Kremlin », à l’instar de l’intervention des troupes soviétiques en Afghanistan en 1979.
Des sites Internet russes prétendent que « les médias occidentaux ont continué à manifester de l’enthousiasme pour la tactique de Sourovikine dans la zone de l’opération spéciale » et que celle-ci « avait privé les forces ukrainiennes d’une chance de réussir une offensive ». Ils ont cité les propos suivant du Financial Times (FT): « L’Occident a noté les actions du général de l’armée russe Sergey Sourovikine, qui commande un groupe de troupes dans la zone de l’opération spéciale en Ukraine. Le Financial Times estime que, grâce à ses tactiques, les chances de réussite d’une offensive en direction du sud ont considérablement diminué. »
En effet, un article du Financial Times intitulé « Big War Is Back » : Five Lessons from Russia’s Invasion of Ukraine » (La grande guerre revient: 5 leçons sur l’invasion russe en Ukraine) se concentre, comme le suggère le titre, sur cinq conclusions tirées de dix mois de guerre de la Russie contre l’Ukraine. Aucune phrase n’exprime « l’enthousiasme pour la tactique de Sourovikine », comme l’ont rapporté les médias russes. Il n’y a que quelques lignes sur lui dans ce grand article sous-titré « Moscou ne recule pas devant ses objectifs, malgré sa capacité réduite pour une grande offensive terrestre « . Une telle conclusion peut difficilement être qualifiée d’ »enthousiasme » pour la tactique du commandement russe.
Le Financial Times compare également la guerre en Ukraine à la guerre en Afghanistan, qui a été une énorme erreur des dirigeants soviétiques de l’époque. « L’invasion de l’Afghanistan par Moscou a conduit à la mort de 15 000 soldats soviétiques et à un bourbier de 10 ans qui n’a pris fin qu’avec son retrait. En Ukraine, où environ 100 000 soldats russes ont été tués et blessés en dix mois, le Kremlin va probablement continuer à se tromper dans les sentiment nationaux de manière encore plus spectaculaire », note la publication.
Le Financial Times note que la leçon de cette guerre pour la Fédération de Russie est « l’importance de la qualité sur la quantité ». « Une bonne logistique, un grand nombre de troupes et un matériel militaire adéquat – qu’il s’agisse de drones ou de chars – ne valent rien si le renseignement, les chefs… sont inadéquats' », déclare Ben Barry, un ancien général de brigade de l’armée britannique qui travaille aujourd’hui à l’Institut international d’études stratégiques. Au lieu de cela, les forces russes continuent de faire preuve d’un « faible moral et de normes médiocres en matière de tactiques d’armes combinées et de leadership sur le champ de bataille », souligne M. Barry. Cette déclaration est également en contradiction avec les titres des médias russes sur le supposé « enthousiasme » et le caractère éblouissant des dirigeants militaires russes.
Quant au général Sourovikine, quelques lignes lui sont effectivement consacrées dans l’article. Selon Dara Massicot, experte militaire sur la Russie au sein du groupe de réflexion Rand Corporation, il est « probablement le commandant le plus compétent nommé à ce poste jusqu’à présent ». « Sourovikine a renforcé les lignes de front de la Russie avec des recrues issues de la récente conscription de quelque 300 000 soldats. (…) Le renforcement des positions défensives réduit les chances de réussite d’une contre-offensive ukrainienne hivernale qui couperait le corridor terrestre longeant la côte de la mer d’Azov et reliant la Russie à la Crimée, même si les analystes militaires occidentaux pensent toujours qu’une percée est possible », souligne le Financial Times. C’est évidemment cette citation que les médias russes ont trouvée victorieuse pour eux-mêmes et qui démontrerait « l’enthousiasme du FT pour Sourovikine ».
En réalité, cette déclaration ne signifie qu’un possible ralentissement de la contre-offensive ukrainienne en hiver dans le sud du pays en raison de la mobilisation en Russie et d’un renforcement accru de la rive gauche du Dniepr par l’armée russe. Le Financial Times parle uniquement de la période hivernale, et non d’un ralentissement de la contre-offensive ukrainienne en général. Les médias russes, bien sûr, ne mentionnent pas ce détail. Ainsi, ces médias continuent à prendre leurs désirs pour des réalités, à sortir des phrases de leur contexte, à citer des médias étrangers et à ne pas mentionner du tout les passages, majoritaires, qui les contredisent.
StopFake continue de réfuter les infox sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine dans « Infox: les frappes de l’Ukraine contre les installations militaires russes ‘coordonnées par l’Occident‘ », « Manipulation: le roi d’Espagne ‘désigne l’Ukraine comme la cause de la crise énergétique de l’UE’« , « Infox: des arbres de Noël décorés de jouets à croix gammée en Ukraine – photo« .